Des antécédents de paludisme constituent un facteur de risque important de lymphome de Burkitt, selon un article publié ce 2 janvier dans la revue « Pnas ». Plusieurs études épidémiologiques avaient été menées jusque-là pour confirmer le lien entre paludisme et lymphome de Burkitt, mais sans y parvenir. Les auteurs précisent que ces échecs sont liés à la faible ampleur (aussi bien géographique que temporelle) des travaux mais aussi au fait que des données de surveillance de bonne qualité quant à la circulation du paludisme dans ces régions ont longtemps manqué.
Le lymphome de Burkitt, bien connu pour être fortement associé à une infection par le virus d’Epstein-Barr, est un type très agressif de lymphome non hodgkinien (LNH) à cellules B matures, qui représente 35 à 50 % des LNH de l’enfant et 2 % de ceux de l'adulte. Il existe trois formes de ce lymphome, dont la plus fréquente (98 % des cas) est endémique chez les jeunes enfants africains (1), avec une incidence élevée (5 à 10 cas/100 000 habitants au cours des 15 premières années de la vie).
La distribution géographique en Afrique noire coïncide avec l’endémie palustre, ce qui a incité les chercheurs à questionner le lien entre des antécédents de paludisme et un surrisque de lymphome de Burkitt chez les jeunes vivant dans ces régions.
Une estimation via les moustiques infectés
Afin de donner à leur travail la puissance statistique nécessaire, les chercheurs américains, ougandais, kényans et tanzaniens ont exploité les données de l'étude Emblem (Epidemiology of Burkitt Lymphoma in East African Children and Minors). Il s'agit d'une étude cas-témoins qui s'est tenue dans six régions réparties entre le Kenya, l'Ouganda et la Tanzanie entre 2010 et 2016 (une période au cours de laquelle la surveillance épidémiologique du paludisme s'est considérablement améliorée dans ces régions), et a porté sur 533 cas de lymphome de Burkitt.
Ils ont ensuite estimé le taux annuel d'inoculation de Plasmodium falciparum, en exploitant les données de surveillance des moustiques infectés. Depuis le début des années 2010, de telles données sont disponibles avec une précision de l'ordre de 5 km². Ce chiffre a ensuite été divisé par dix, conformément à la littérature concernant le taux de succès d'infection lors d'une piqûre par un moustique infecté, pour obtenir une estimation du nombre annuel médian d'infection dont a été victime chaque enfant.
47 infections par enfant à l'âge de 10 ans
Au cours de la période étudiée, l'incidence du paludisme était de près de 60 millions personnes-années dans la zone géographique étudiée. L'épidémie de paludisme avait tendance à fluctuer d'année en année, avec une tendance générale à la baisse. En médiane, le nombre cumulé d'infections dans ces régions est de 47 par enfant âgé de 10 ans, avec de grandes disparités (de 4 à 315 infections). Les auteurs ont calculé que l'incidence du lymphome de Burkitt augmente de 39 %, dans une région donnée, pour chaque hausse d'une centaine d'infections en médiane au cours de la vie des enfants. Ils ont aussi estimé que l'association entre épisodes palustres et lymphome de Burkitt était la plus étroitement significative entre 5 et 11 ans.
En effet, un surrisque de lymphome apparaissait chez les enfants infectés au moins 100 fois par le paludisme au cours de leur vie, ce qui n'arrive pratiquement jamais avant l'âge de 5 ans. Au-delà de 11 ans, les infections répétées provoquent l'apparition d'une immunité naturelle qui réduit le nombre d'épisodes infectieux, et par conséquent le risque de lymphome de Burkitt passé cet âge.
Les auteurs concluent que le risque de lymphome est lié à l'accumulation d'infections au cours de la vie. Aussi, il n'est pas possible de lier l'incidence du lymphome de Burkitt d'une année donnée à celle du paludisme sur la même période.
(1) Les deux autres formes sont la forme sporadique qui est dominante chez les enfants en Occident, et la forme liée à l'infection par le VIH.
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