Alors que les études post-autorisation de mise sur le marché (AMM) se poursuivent pour les deux premiers CAR-T cells disponibles (1). Les chercheurs s'interrogent déjà sur les contours des prochaines générations des traitements du cancer par cellules immunitaires modifiées. Des résultats présentés lors du congrès de la société américaine d'hématologie (ASH) qui s'est tenu à Orlando du 5 au 10 décembre, laissaient entrevoir de nouvelles cibles, de nouveaux types cellulaires modifiés, voire des CAR-T cells allogéniques.
BCAM, la nouvelle cible
La première génération de CAR-T cells cible les antigènes CD-19, présents sur la plupart des lymphocytes B. Une nouvelle approche de CAR-T ciblant à la fois BCMA et CD-38 a été expérimentée sur une série de 22 patients. Mises au point par Ceyllyan Therapeutics avec un financement public chinois, ces nouvelles CAR-T cells sont destinées aux 10 % de patients de très mauvais pronostic souffrant de myélome multiple avec des lésions secondaires extramédullaires.
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Après une durée de suivie médiane de 36 semaines, 90,9 % des patients répondaient au traitement, et plus de la moitié présentait une réponse complète. Sur les 9 patients ayant des tumeurs extramédullaires, plus aucune lésion n'était visible.
Le type cellulaire modifié pourrait aussi, à l'avenir, être différent. La Dr Deepu Madduri de l'institut Tisch du cancer à New York a, par exemple, montré les données préliminaires sur les 29 premiers patients traités par JNJ-4528. Ce CAR-T cells anti-B-cell maturation antigen (BCMA) « comprend principalement des lymphocytes T CD8, que l'on estime être un des types cellulaires les plus important dans la lutte antitumorale », explique la Dr Madduri. La totalité des patients atteints de myélomes multiples traités, ont répondu au traitement dont 66 % ont eu une réponse complète.
CAR-T bi-spécifique
Une autre approche est celle du CAR-T cells bi-spécifique. Les deux raisons évoquées pour expliquer la perte d'efficacité des CAR-T cells quelques mois après l'injection sont en effet la disparition des CD 19 de la surface des cellules cancéreuses et la suractivation du PD1. Les investigateurs de l'essai Alexander ont donc doté leur CAR-T cells une deuxième corde à son arc, en intégrant un récepteur antigénique chimérique capable de reconnaître CD 19 et CD 22. Ils l'ont en outre associé à un anti-PD1.
Les données étaient disponibles pour les 11 premiers patients de l'étude. Quelle que soit la dose employée, les chercheurs ont observé un taux de réponse objective de plus de 50 % et un profil de sécurité très encourageant.
Greffes allogéniques
L'une des limites des CAR-T cells actuels est qu'elles sont obtenues à partir de lymphocytes T autologues. Cela suggère un long délai entre l'aphérèse, la transformation des cellules du patient et leur réinjection. Le Dr Bahram Valamehr, du laboratoire Fate Therapeutics, a présenté les résultats in vivo et in vitro de lymphocytes NK allogéniques modifiées pour cibler les CD 19. Ces cellules étaient également modifiées pour exprimer CD 16 (afin d'améliorer le potentiel cytotoxique des NK) et l'interleukine 15 (pour augmenter leur prolifération et leur persistance). Le gros intérêt de ces CAR NK est qu'ils peuvent être produits en série à partir de cellules pluripotentes induites.
« Des traitements directement disponibles en pharmacie hospitalière sont très attrayants à cause de la durabilité des cellules IPS, réagit le Dr Gary Schiller, de l'université de Californie à Los Angeles. D'un point de vue clinique je pense que l'accessibilité passe avant la tolérabilité surtout face à des patients qui doivent être traités le plus vite possible. La balance entre disponibilité et tolérabilité doit être discutée entre patients et médecins. C'est une question compliquée. »
Dans le même ordre d'idée, il serait possible d'utiliser des lymphocytes cytotoxiques induits par des cytokines, ou CIK, produites à partir de cellules souches hématopoïétiques de donneurs. Des chercheurs de Milan-Bico sont parvenus à produire 18 lots de ces CARCIK-CD 19 CIK, et à les administrer à 13 patients, dont 4 enfants, avec 8 réponses partielles ou complètes.
Une deuxième injection
Une dernière piste pour améliorer l'efficacité les CAR-T cells consisterait à procéder à une seconde injection chez les patients en rechute après une première tentative. « La principale crainte concerne la neurotoxicité », explique le Dr Evandro Bezerra, oncologue à la Mayo Clinic de Rochester (États-Unis), qui a présenté des données sur 44 patients injectés une seconde fois après une rechute d'un lymphome diffus à cellule B.
« Le résultat important est que la seconde injection n'a pas provoqué plus d'effets secondaires que la première, que ce soit en termes de neurotoxicité ou de syndrome de relargage des cytokines », précise-t-il. Une réponse durable au traitement a été obtenue dans un sous-groupe de patient (21 %) dont le point commun était une myéloablation plus agressive avant la première injection, et une dose de CAR-T cells plus importante lors de la seconde injection.
(1) Yescarta (axicabtagene ciloleucel), indiqué dans le lymphome diffus à grandes cellules B et le lymphome médiastinal primitif à grandes cellules B réfractaire, et Kymriah (tisagenlecleucel, prix provisoire) indiqué dans le lymphome diffus à grandes cellules B réfractaire ou en rechute de l'adulte et dans la leucémie aiguë lymphoblastique en rechute ou réfractaire des patients de moins de 25 ans.
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