Anticorps
Ces tableaux ont de tout temps fasciné les cliniciens car leur diagnostic s'avérait hautement prédictif de la survenue d'un cancer sans que l'on puisse comprendre comment une tumeur de quelques millimètres pouvait induire à distance et en quelques semaines des lésions neuronales extensives. Les progrès réalisés depuis une vingtaine d'années ont permis de répondre à ces questions, d'améliorer considérablement le diagnostic des SNP et du cancer associé et de développer de nouveaux concepts dans le domaine des maladies neurologiques dysimmunes.
En effet, on a pu montrer qu'un grand nombre de SNP était associé à des autoanticorps IgG reconnaissant des antigènes dits onconeuraux car communs au système nerveux et aux tumeurs conduisant à l'hypothèse que les SNP relevaient d'une réaction immune dirigée contre la tumeur et s'attaquant secondairement au système nerveux. Plus d'une vingtaine d'anticorps a été identifiée (tableau 1). Les plus fréquents sont les anticorps anti-Hu, Yo, CV2/CRMP5, Ri, Ma2, et amphiphysine. Il est intéressant de constater qu'ils sont dans l'ensemble associés à des syndromes neurologiques précis impliquant des neurones ou des structures cérébrales particulières et qu'ils surviennent avec des tumeurs distinctes. Ces anticorps sont hautement spécifiques dans la mesure où on ne les observe que très rarement en dehors du cancer. Ils s'avèrent ainsi être des outils diagnostiques incomparables car leur détection permet d'affirmer un SNP face à un tableau clinique suspect et de guider la recherche du cancer (figure 1). Ce dernier point est important car au moment où l'atteinte neurologique se manifeste la tumeur est souvent de petite taille et peut tout à fait échapper aux investigations. Le FDG-PET scanner a considérablement amélioré la détection de ces petits néoplasmes, en particulier pour le cancer à petites cellules du poumon qui est le plus fréquemment en cause mais il ne résout pas tous les problèmes. Ainsi, la détection d'un anticorps anti-Yo chez une femme atteinte d'un syndrome cérébelleux subaigu doit conduire à une laparotomie exploratrice avec si nécessaire ovariectomie bilatérale pour mettre en évidence une tumeur de l'ovaire lorsque le cancer du sein ou de l'utérus a été éliminé. De même, chez un homme jeune développant une encéphalite limbique, la détection d'un anticorps anti-Ma2 doit faire rechercher, même chirurgicalement, un cancer du testicule.
Traitement
Le traitement des SNP reste décevant dans la mesure où les immunomodulateurs sont d'une efficacité malheureusement limitée et qu'une fois les lésions neuronales constituées, elles sont bien sûr irréversibles. Ainsi l'atrophie cérébelleuse associée à l'anticorps anti-Yo est redoutable car elle induit parfois en quelques jours une destruction massive des principaux neurones du cervelet. Néanmoins, avec l'anticorps anti-Hu ou CV2/CRMP5, un diagnostic et un traitement précoce du cancer pulmonaire permettent souvent de stabiliser le SNP.
Dans la mesure où l'antigène reconnu est aussi exprimé par la tumeur, on peut s'interroger sur le rôle éventuel de la réponse immune sur l'évolution du cancer. Cette question n'a pas reçu de réponse formelle à ce jour car les études sont difficiles à conduire du fait de la rareté de ces syndromes. Il semble néanmoins que le cancer à petites cellules du poumon pourrait avoir un meilleur pronostic quand il survient avec un SNP et que ce pronostic pourrait être influencé par la nature de l'anticorps associé. Il s'agit là d'une piste importante à creuser pour mieux comprendre les mécanismes de la réponse immune antitumorale.
Les anticorps initialement décrits reconnaissent des antigènes intracellulaires auxquels ils n'ont sans doute que difficilement accès in vivo si bien qu'actuellement ils sont plus considérés comme des marqueurs de la réponse immune que comme les agents effecteurs de cette dernière dont les lymphocytes T sont considérés comme les principaux responsables.
Une autre catégorie
Plus récemment, une autre catégorie d'anticorps a été identifiée qui, contrairement à la précédente, est sans doute en cause dans l'atteinte du système nerveux central car elle reconnaît des protéines situées à la surface de l'axone ou du neurone et donc plus facilement accessibles telles que des canaux ioniques (canaux potassiques voltage dépendant) ou des récepteurs à certains neurotransmetteurs (NMDA, glutamate). Ces anticorps peuvent s'associer aux anticorps reconnaissant des protéines intracellulaires. Ils sont observés avec des tableaux d'encéphalite limbique, d'encéphalopathie aiguë avec épilepsie, manifestation psychiatrique et mouvement anormaux ou d'atteinte cérébelleuse qui ont la caractéristique de n'être qu'inconstamment paranéoplasiques et de pouvoir répondre favorablement aux immunomodulateurs pourvu que le traitement soit précoce. Ces anticorps sont le pendant, pour le système nerveux central, des anticorps reconnaissant des protéines de la surface cellulaire dans le système nerveux périphérique tels que les canaux calciques voltage dépendants ou le récepteur de l'acétylcholine dans le syndrome myasthénique de Lambert-Eaton et la myasthénie.
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