Lymphomes cutanés

L’identification de marqueurs au centre de la recherche

Publié le 21/06/2009
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Un entretien avec le Pr MARTINE BAGOT*

LE QUOTIDIEN du MÉDECIN - La recherche sur les lymphomes cutanés semble actuellement très active. Qu’est-ce qui, selon vous, fait que l’on s’intéresse autant à ces affections ?

Pr MARTINE BAGOT - il y a plusieurs raisons à cela, mais la principale d’entre elles est qu’il existe à présent une classification consensuelle, qui est celle publiée conjointement par l’OMS et l’EORTC en 2005. Cette classification représente une avancée extrêmement importante, car, bien qu’elle conserve les catégories anatomo-cliniques proposées par l’EORTC en 1998, les lymphomes cutanés y sont pour la première fois reconnus comme des entités spécifiques. On a longtemps estimé que les lymphomes cutanés avaient le même pronostic que les lymphomes ganglionnaires ayant des caractéristiques histologiques identiques. Or, tel n’est pas le cas, et la distinction est d’une grande importance, car de nombreux lymphomes purement cutanés ont un meilleur pronostic que les formes ganglionnaires et ne relèvent donc pas de la même polychimiothérapie intensive.

Cette nouvelle classification a-t-elle réorienté les travaux de recherche ?

Effectivement. Lors du prochain congrès Eurocancer, toute une série de communications sera d’ailleurs consacrée à ces nouvelles voies de recherche. La classification OMS/EORTC repose uniquement sur les données cliniques et anatomopathologiques, car, à ce jour, on ne dispose pas encore de marqueurs immunologiques ayant un caractère consensuel. Les travaux sur les marqueurs cytogénétiques et moléculaires des lymphomes T cutanés n’en sont qu’au stade de recherche. En biologie moléculaire, il existe, en revanche, plusieurs marqueurs candidats, dont le GFELC a entrepris la validation.

C’est ainsi que notre équipe a récemment mis en évidence le premier marqueur phénotypique exprimé par les cellules de Sézary, mais que la majorité des lymphocytes T normaux n’exprime pas. Ce marqueur, appelé KIR3DL2, est un récepteur inhibiteur qui appartient à la famille des récepteurs NK ; nous avons montré qu’il existe une forte corrélation entre le pourcentage de cellules de Sézary et celui de lymphocytes T circulants qui expriment KIR3DL2. Il s’agit là d’une découverte importante, car nous travaillons actuellement au développement d’un anticorps monoclonal qui permettrait de traiter les lymphomes T cutanés avancés en ciblant uniquement les cellules tumorales.

Nous avons également identifié un autre marqueur des cellules de Sézary, l’anticorps SC5, qui reconnaît un épitope extracellulaire de la vimentine. Cet anticorps marque les cellules tumorales, mais aussi les lymphocytes T activés.

Puisque vous venez de faire allusion à l’aspect thérapeutique, où en est-on dans ce domaine ?

Les traitements proposés sont multiples, mais, pour l’heure, aucun n’est très satisfaisant. La plupart n’induisent que des rémissions partielles et ce, seulement chez environ 30 % des patients. Plusieurs nouveaux médicaments sont toutefois en cours d’évaluation, parmi lesquels figurent notamment les inhibiteurs des histones désacétylases tels que le vorinostat et le bortézomib, qui est un inhibiteur du protéasome 26S d’ores et déjà utilisé dans le traitement du myélome.

Le GFELC travaille actuellement en partenariat avec l’EORTC pour créer une plateforme européenne de traitement des patients atteints de lymphomes T cutanés à un stade avancé. Ce programme, qui devrait débuter en septembre 2009, comportera trois volets : le premier portera sur l’administration du lénalidomide en traitement d’entretien, le deuxième comparera les effets du vorinostat à ceux de l’association vorinostat-bortézomib et le troisième évaluera l’intérêt des allogreffes médullaires de faible intensité.

Comme les lymphomes cutanés sont des affections rares, très peu d’études contrôlées ont été menées. C’est ce qui nous a incités à nous grouper au niveau européen pour lancer ce programme, peut-être en nous adjoignant également la participation de centres américains.

* Service de dermatologie, hôpital Henri-Mondor, Créteil.

 Propos recueillis par le Dr Bernard OLLIVIER

Source : lequotidiendumedecin.fr