Par le Pr DIDIER PEIFFERT*
LES ÉTUDES DE l'EORTC [2] ont montré le bénéfice de la radiothérapie externe associée à un traitement hormonal pendant 3 ans. La question même de l'intérêt de la radiothérapie par rapport à une hormonothérapie seule est maintenant démontrée [5] avec un bénéfice sur la survie globale. Pour les cancers localisés de pronostic favorable (PSA < 10, T1e T2AB, Gleason Score < 7), l'alternative à la chirurgie est préférentiellement la curiethérapie interstitielle par implants permanents d'Iode 125. Pour les cancers de pronostic intermédiaire, la radiothérapie externe conformationnelle est indiquée si possible utilisant une technique avec modulation de l'intensité des faisceaux (RCMI = Radiothérapie Conformationnelle avec Modulation d'Intensité ou IMRT en anglais).
Maîtrise des techniques d'irradiation et réduction des complications.
Le souci principal du radiothérapeute, après l'obtention d'un taux élevé de contrôle local par l'utilisation d'une technique optimale, est, au même titre que celui du chirurgien, la réduction de la morbidité et de la toxicité spécifique. Le bénéfice de la radiothérapie externe, et surtout de la curiethérapie, sur la fonction érectile est réel, avec 50 à 75 % de conservation de la fonction érectile après curiethérapie [4]. Le risque sur les muqueuses vésicales et rectales (cystite et rectite radiques) fait l'objet d'une attention quotidienne des radiothérapeutes et l'accident d'Epinal montre bien les limites tolérables à l'irradiation qu'il faut impérativement respecter. Les techniques modernes d'irradiation permettent très précisément de connaître la répartition de la dose au sein de la prostate, mais également de la paroi rectale et de la paroi vésicale, sur des données objectives fondées sur l'imagerie scanographique réalisée pour la dosimétrie prévisionnelle. Pour chaque patient, la prescription de l'irradiation repose sur la délivrance d'une dose efficace à l'ensemble de la prostate (avec une marge variable selon le stade et la technique) et des contraintes définies par la dose à ne pas dépasser aux organes à risque (paroi rectale et paroi vésicale en regard de la prostate).
La curietherapie. La plus focalisée par définition.
La technique de radiothérapie hyperfocalisée la mieux connue actuellement est bien la curiethérapie qui autorise, sous contrôle échographique per opératoire, la mise en place de sources radioactives d'iode 125 de façon très précise avec dosimétrie instantanée, permettant de limiter au millimètre près la dose délivrée et ainsi de minimiser les conséquences aussi bien rectales que sexuelles. De plus, la mobilité simultanée de la prostate et des sources minimise le volume irradié autour de la prostate (1 à 2 mm). Le développement des techniques précises de radiothérapie externe permet d'offrir une précision proche de celle de la curiethérapie, mais nécessite un équipement pouvant contrôler en cours d'irradiation et d'un jour à l'autre la position et les mouvements de la prostate.
Tomotherapie - Cyberknife – V-Mat - Rapidarc.
Une nouvelle génération de radiothérapie externe.
La tomothérapie utilise une technologie issue d'un scanner hélicoïdal pour délivrer, par des microfaisceaux de rayons X de 6 mV, une irradiation précise couplée à une imagerie traditionnelle en RX de 50 kV. Elle permet de réduire la marge de sécurité autour de la prostate.
Les accélérateurs classiques se dotent d'imagerie embarquée par rayons X de basse énergie autorisant également le repositionnement millimétrique sur l'imagerie conventionnelle, et ainsi également une réduction des marges de sécurité. Les modèles ultimes de dernière génération sont VMAT et RapidArc dédiés à ce type d'irradiation.
Enfin l'irradiation stéréotaxique dédiée par Cyberknife utilisant des microfaisceaux délivrés par un accélérateur monté sur un robot articulé et contrôlé par ordinateur permet, non seulement de réduire le volume irradié, mais également de suivre les mouvements de la prostate durant l'irradiation.
Ces nouveaux concepts vont dans le sens d'une réduction du volume d'organes sains irradié et donc une réduction des séquelles, sans réduction de l'irradiation du volume cible prostatique et donc de l'efficacité de l'irradiation.
Et l'irradiation focale de la prostate ?
Les techniques actuelles d'irradiation reposent sur le dogme d'une irradiation de l'ensemble de la prostate, au même titre que la chirurgie réalise une vésiculo-prostatectomie totale. Elles pourraient aisément être utilisées pour un traitement focalisé de la prostate. Elles permettraient une escalade de dose sur un foyer tumoral clinique ou détecté par imagerie fonctionnelle afin d'améliorer le contrôle local. Dans le cadre d'un nouveau paradigme envisageant une désescalade thérapeutique, une irradiation focalisée et partielle de la prostate serait possible dans le cadre de tumeurs de faible volume sans facteurs pronostiques défavorables, hyper sélectionnées, issues du dépistage. Seule une évaluation prospective et maîtrisée de ces concepts d'irradiation partielle focalisée permettra, au même titre que la radiofréquence ou la cryothérapie, d'en évaluer le bénéfice.
Conclusion.
Au total, les techniques d'irradiation de la prostate ont rapidement progressé, avec des procédures de traitement extrêmement précises et des critères de qualité stricts permettant de réduire la morbidité. Elles ouvrent la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques.
*Département de Radiothérapie, Centre Alexis-Vautrin, Nancy.
REFERENCES
1Bill-Axelson A, Holmberg L, Filen F, Ruutu M, Garmo H, Busch C, Nordling S, Haggman M, Andersson S O, Bratell S, Spangberg A, Palmgren J, Adami H O, Johansson J E: Radical prostatectomy versus watchful waiting in localized prostate cancer: the Scandinavian prostate cancer group-4 randomized trial. J Natl Cancer Inst 100:1144-54, 2008
2Bolla M, Van Poppel H, Collette L: [Preliminary results for EORTC trial 22911: radical prostatectomy followed by postoperative radiotherapy in prostate cancers with a high risk of progression]. Cancer Radiother 11:363-9, 2007
3Buron C, Le Vu B, Cosset J M, Pommier P, Peiffert D, Delannes M, Flam T, Guerif S, Salem N, Chauveinc L, Livartowski A: Brachytherapy versus prostatectomy in localized prostate cancer: results of a French multicenter prospective medico-economic study. Int J Radiat Oncol Biol Phys 67:812-22, 2007
4Merrick G S, Butler W M, Wallner K E, Galbreath R W, Adamovich E: Permanent interstitial brachytherapy in younger patients with clinically organ-confined prostate cancer. Urology 64:754-9, 2004
5Widmark A, Klepp O, Solberg A, Damber J E, Angelsen A, Fransson P, Lund J A, Tasdemir I, Hoyer M, Wiklund F, Fossa S D: Endocrine treatment, with or without radiotherapy, in locally advanced prostate cancer (SPCG-7/SFUO-3): an open randomised phase III trial. Lancet 373:301-8, 2009
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