Deux réflexions au sujet d’octobre rose, et pourquoi je répugne, tout radiologue que je suis, à y participer :
- L’obligation de la bonne humeur (« haha, on est toutes ensemble, youpi on va le niquer ce cancer ») me semble tyrannique, idiote, forcée, non spontanée et non contributive. Ça n’apporte rien de courir déguisée en cochonou rose comme une débile dans les rues, à part avoir l’air d’une idiote hilare. On se croirait dans un soap-opéra ou dans un mélodrame américain qui dégouline de bons sentiments. Et la banane est obligatoire… Après on s’embrasse, on rentre chez soi et on se douche en se disant qu’on a fait « un truc bien contre ce salaud de cancer ». Même les pouvoirs publics et organismes qui contribuent à la promotion de ce dîner de cons des cancéreux peuvent se bercer dans l’illusion d’avoir « fait quelque chose ».
- Deuxièmement ce marketing à tout va concernant les T-shirts roses que les participantes doivent acheter et le business du petit ruban (vendu 5 euros quand même) suscitent déjà ici et là des interrogations et polémiques. J’y ajoute les miennes. Où va cet argent récolté ? À la recherche ? La lutte contre le cancer ? À qui profite-t-il vraiment, et est-ce que la répartition de ces bénéfices est si transparente que cela ? Quelqu’un peut m’expliquer exactement à qui, à quoi va l’argent, à qui il bénéficie, et en quelles proportions ?
Ma foi, si on est juste et objectif, les femmes qui se fichent à poil sur les affiches ou dans la presse pour la pseudo-lutte contre le cancer du sein devraient trouver leur pendant (si j’ose dire) chez les hommes qui pourraient, pour la lutte contre le cancer de la prostate ou du testicule, mettre les valseuses à l’air pour les mêmes bonnes intentions, non ? Comme chacun le sait, l’enfer en est pavé, et ici, c’est l’enfer de la bien-pensance et de la récupération par un business tout autour…
Filles, femmes de tout bord, médecins, patientes, stars, réfléchissez à quoi on vous manipule en tant que femmes, dites merde pour une fois, arrêtez ces mascarades rubicondes, boycottez la bonne conscience sociale qui engraisse surtout des entreprises qui, elles, ont flairé le filon juteux, à savoir, nous, les femmes, encore une fois, et les cancéreuses en particulier… Foutez-leur la paix avec vos clichés selon lesquels les femmes doivent tout voir en rose et que le cancer se combat par la bonne humeur. Au lieu de courir, communicants et politiciens de la santé, réfléchissez à des actions plus constructives et moins onéreuses que des dépliants sur papier glacé et autres rositudes exaspérantes. Oui, merde, une bonne fois pour toutes.
Stratégie vaccinale : les vraies questions
Injecter un vaccin prend 30 secondes. C’est moins long que de faire un arrêt de travail par télétransmission et sans commune mesure avec la gestion administrative du tiers payant. L’urgence de délégation aujourd’hui n’est pas le contenu médical des actes des médecins mais leur contenu administratif.
La vaccination chez les malades et les enfants est quasi toujours faite au cours d’une consultation de suivi qui de toute façon a lieu, vaccin ou pas.
Pour la collectivité c’est un acte délégué de moins à financer. Pour le patient c’est un déplacement en moins à faire. Pour le médecin c’est une garantie de réalisation et du temps gagné par rapport à la situation où il faut s’enquérir sans arrêt de savoir si le vaccin a été fait ou non, au bon moment et dans une vision globale des vaccinations utiles à un patient donné. À la limite, l’optimisation passerait par la délivrance du vaccin par le médecin. Cela a été rejeté pour la grippe A : le médecin n’étant pas pharmacien.
Dans notre système de soins plus il y a de vaccinateurs et moins il y a de vaccinés correctement. Il y des non- vaccinés, des sur-vaccinés, et des vaccinés débutés mais jamais suivis. On a au début confié à la médecine scolaire la vaccination de l’hépatite B en oubliant la question du « qui ferait les rappels pendant les vacances ». Souvent médecine du travail et urgence s’occupaient du rappel tétanos correspondant au risque qu’ils avaient à gérer mais on oubliait diphtérie polio coqueluche que le médecin traitant devait reprendre avec le tétanos. La sortie de la vaccination grippale du champ d’action du médecin traitant, en éclatant l’ancienne organisation, n’a fait que déstabiliser cette vaccination.
L’acte vaccinal d’injecter, quasiment tout le monde peut apprendre à le faire, y compris le patient lui-même. Le vrai problème n’est pas les 30 secondes de l’injection que le médecin fait lui-même car c’est globalement plus pratique et efficace. Il est de poser les bonnes indications, de s’adapter en permanence aux évolutions des données scientifiques, de savoir expliquer le pour le contre, d’amener et d’accompagner un patient dans une stratégie vaccinale et préventive globale sur des années et adaptée à son cas spécifique. C’est pour cela qu’il faut dans un système de soin un médecin généraliste traitant et qu’on ne lui casse pas le travail en éclatant le contenu médical de ses actes.
Le plus inquiétant c’est ce que cela traduit des représentations qu’a la ministre du médecin généraliste traitant. Avec de telles propositions la désertification en médecine générale est garantie.
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