Les effets indésirables liés à une immunothérapie (EILI) par inhibiteurs de checkpoints (anti-CTLA4, anti-PD1, anti-PDL1) sont de type dysimmunitaires. On a encore peu de recul sur ces nouvelles toxicités. Il faut donc améliorer nos connaissances et homogénéiser les pratiques de prise en charge. C'est pourquoi L'IGR a lancé un registre de pharmacovigilance dédié (REISAMIC [1]) et mis en place un réseau (ImmunoTox) rassemblant des référents d'organes au sein de l'IGR et des CHU associés. Ils couvrent 12 spécialités impactées par ces toxicités. Enfin, deux fois par mois, des RCP dédiées permettent de discuter des toxicités complexes y compris pour des patients traités dans d'autres centres n'ayant pas ces ressources.
Des toxicités majoritairement peu sévères et réversibles
Les EILI sont très variés (2). Cependant, certaines toxicités sont plus fréquentes comme la fatigue, les rash cutanés ou les diarrhées. Les troubles endocriniens sont également fréquents avec la survenue de dysthyoïdies qui nécessitent un suivi systématique de la TSH. Moins fréquemment, il peut survenir des cytolyses hépatiques et des pneumopathies interstitielles.
La plupart du temps, ces toxicités restent peu sévères et répondent bien à une corticothérapie. Il peut être parfois nécessaire de suspendre l’immunothérapie. En revanche, les toxicités thyroïdiennes ne répondent pas à la corticothérapie et nécessitent la mise en route d'un traitement hormonal substitutif à vie.
Dans le cas des diarrhées, qui peuvent révéler une colite inflammatoire, il convient d’être vigilant car il existe un risque de perforation. En cas de suspicion de colite, les ralentisseurs du transit sont déconseillés et les anti-sécrétoires privilégiés.
Des toxicités sévères rares mais complexes à identifier
La difficulté liée aux EILI est le spectre extrêmement large des toxicités rares (<1 %): syndrome de Guillain Barré, myosite, anémie hémolytique, insuffisance surrénalienne, myocardite, néphrite… En pratique presque toutes les pathologies inflammatoires ou autoimmunes ont été observées.
«Heureusement ces toxicités sont rares mais il faut rester vigilant ! Face à un symptôme suspect ou une anomalie biologique sous immunothérapie, nos réflexes doivent changer et la recherche d’étiologies inflammatoires est indispensable. Ainsi, l’anémie fréquente sous chimiothérapie doit ici faire rechercher des signes d’hémolyse en faveur d’une origine autoimmune et donc ne pas conduire à une transfusion systématique. Parfois, il nous faut reprendre nos livres de médecine interne… ou contacter un collègue spécialiste ! C’est pourquoi nous avons inséré dans l’application mobile de Gustave Roussy un onglet « Immunothérapie » qui contient toutes les préconisations diagnostiques et thérapeutiques de nos référents ImmunoTox (3)».
Affiner les protocoles de prise en charge
Aujourd'hui la gestion des EILI reste assez empirique car l’expérience est encore récente. Les doses et les schémas de corticothérapie sont mal définis même si l’on sait qu’un arrêt trop brutal peut conduire à une rechute de la toxicité.
L’immunothérapie est facilement suspendue le temps qu’une toxicité gênante ou sévère rentre dans l’ordre, sauf pour les toxicités endocriniennes peu symptomatiques qui ne nécessitent pas d'interruption. Bien sûr, on arrête définitivement le traitement si le pronostic vital est engagé ou en cas de toxicité sévère récidivantes. «Mais ces choix doivent être soigneusement pesés chez des patients répondeurs en l'absence d'alternative thérapeutique», souligne S Champiat.
D'après un entretien avec Stéphane Champiat (Institut Gustave Roussy, Villejuif)
(1) REISAMIC : Registre des effets indésirables sévères des anticorps monoclonaux immunomodulateurs en cancérologie
Plus d’information sur www.gustaveroussy.fr/fr/reisamic
(2) Champiat S et al. Management of immune checkpoint blockade dysimmune toxicities: a collaborative position paper. Ann Oncol 2016;27:559-74
Pour plus d’information : Twitter @itoxreport
Pour suivre l’actualité des publications scientifiques concernant les toxicités des immunothérapies
(3) Application mobile Gustave Roussy pour la gestion des toxicités liées aux immunothérapies
Ces recommandations sont intégrées dans l’onglet "Immunothérapie" du Manuel pratique d'Oncologie de Gustave Roussy, application mobile destinée aux médecins, téléchargeable gratuitement sur App Store et sur Google Play
Demande d’avis en RCP ImmunoTOXContact : rcp.itox@gustaveroussy.fr
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