Mélanome et pilule
L’influence hormonale avait été suspectée dans la genèse des mélanomes mais les études récentes montrent qu’il n’en est rien :
- dans l’étude Vessey [2000], observant une cohorte anglaise de 1 732 femmes sous contraception orale, la comparaison de la survenue de pathologie de la peau chez ces femmes par rapport à une population standard ne montre aucune augmentation de fréquence ;
- le travail portant sur 10 études cas-témoins rapportées par Karagas [2002] confirme l’absence de risque associé à au moins 1 an de pilule : OR = 0.86 [0.74- 1.01].
On peut conclure qu’« il n’y a pas lieu chez une femme jeune avec antécédent de mélanome de la priver d’une contraception hormonale ».
Par ailleurs, le problème de la contraception se pose souvent chez les femmes jeunes à qui on retire un mélanome à un âge où il y a encore un désir de grossesse. On doit encourager ces femmes à utiliser une contraception efficace (et donc souvent la pilule) en particulier dans les mélanomes à risque de récidive élevé (indice de Breslow élevé) pour éviter de se retrouver dans la situation d’une récidive au cours d’une grossesse.
Le médecin peut avoir un rôle intéressant dans le diagnostic de certaines localisations de mélanome car du fait des contraintes de l’examen tant mammaire que général ou gynécologique, la patiente se dénude suffisamment pour que les yeux du médecin puissent repérer une lésion suspecte dans des zones mal visibles de la patiente. Il a également un rôle en matière de prévention en rappelant les conseils de prudence par rapport au soleil, facteur de risque principal du mélanome.
Mélasma (chloasma) et pilule
Il s’agit d’une pigmentation mélanique du visage, fréquente pendant la grossesse et sous pilule, mais possible aussi en dehors de ces circonstances. L’étiologie est due à l’effet phototoxique du soleil et/ou à certains topiques sur terrain prédisposé avec une recrudescence à l’exposition solaire. Elle est liée à la stimulation de l’activité des mélanocytes par les estrogènes et les progestatifs.
Le traitement reste difficile car en dehors de la protection solaire et de l’éviction éventuelle des topiques incriminés, il y a peu de propositions intéressantes : les topiques dépigmentants ne sont que peu efficaces et parfois sources d’une dépigmentation définitive très inesthétique ; ils nécessitent une grande observance de la patiente et beaucoup de persévérance. Le remplacement de la contraception orale par un autre moyen de contraception est à discuter avec la patiente en lui précisant bien que cette solution n’améliorera pas systématiquement son mélasma.
Acné et pilule
L’acné est une pathologie bénigne et banale, très fréquente chez les jeunes (80 % des adolescents dont 30 % seulement sont traités) mais qui peut perturber gravement leur qualité de vie. D’un point de vue clinique, l’acné pubertaire associe une hyperséborrhée (peau grasse), des lésions rétentionnelles (comédons fermés ou ouverts) et des lésions inflammatoires (papules, pustules et nodules). Des acnés persistantes chez les femmes de 30/35 ans sont de plus en plus fréquentes. Plusieurs moyens de contraception sont en eux-mêmes source d’acné : le DIU hormonal, l’implant contraceptif et la micropilule progestative.
Faut-il un bilan hormonal ?
Aucun bilan n’est justifié au cours de l’acné juvénile. Dans les autres formes d’acné, en particulier quand il existe des signes cliniques d’hyperandrogénie comme l’hirsutisme, l’obésité, l’alopécie ou les troubles du cycle, un bilan est pleinement justifié en dehors de tout traitement hormonal : testostérone et 17 OH progestérone forment le bilan hormonal de base, associé volontiers à une échographie ovarienne recherchant un syndrome des ovaires polykystiques.
Il faut insister sur le retentissement psychologique possible chez l’adolescente avec, chez 10 à 30 %, une altération de l’image de soi, inhibition, timidité, repli sur soi pouvant aller jusqu’à la dépression.
Des moyens thérapeutiques
Il existe de nombreux traitements non hormonaux locaux (antibiotiques, peroxyde de benzoyle, rétinoïde) et généraux (antibiotiques, sel de zinc) mais ces traitements ne sont que suspensifs. Le seul traitement non hormonal curatif dans l’acné est l’isotrétinoïne pouvant amener une guérison mais au prix d’effets secondaires non négligeables et d’une prescription soumise à une réglementation et des modalités très précises.
Les traitements hormonaux : Quelle pilule ?
Toutes les pilules peuvent avoir une certaine efficacité par leur action antigonadotrope. Le choix peut être guidé par une AMM reconnue, ce qui est le cas de deux pilules au norgestimate, Tricilest et Triafémi, ou par les propriétés anti-androgéniques du progestatif : l’acétate de cyprotérone contenu dans Diane et de nombreux génériques est la référence. La drospirénone (Jasminelle, Yaz) et l’acétate de chlormadinone (Belara) ont également une action intéressante, tout comme Qlaira seule pilule à l’estrogène naturel et qui contient du dienogest aux propriétés antiandrogènes.
Qui fait quoi ?
Généraliste, dermatologue, gynécologue ? Tout le monde a sa place et le choix revient à la patiente. Les deux traitements les plus intéressants sont l’isotrétinoïne et la pilule estroprogestative ; le premier est sûrement essentiel dans les acnés sévères, le second très légitime dans les acnés légères et modérées, a fortiori s’il y a nécessité contraceptive ; l’association à une hyperandrogénie peut justifier le recours à des doses plus fortes d’acétate de cyprotérone selon différents schémas maîtrisés par tout praticien s’intéressant à cette pathologie.
Conclusion
Le généraliste joue un rôle important dans la prise en charge de certaines pathologies dermatologiques, avec à sa disposition dans le traitement de l’acné, les contraceptifs oraux, forts d’une expérience de 25 ans. Outre les produits comportant de l’acétate de cyprotérone, l’intérêt d’estroprogestatifs récents, globalement mieux tolérés, ayant l’AMM dans l’indication de contraception n’est pas à négliger.
Dr Gaëlle Quéreux : pas de conflit d’intérêt.
Dr Christian Quéreux : pas de conflit d’intérêt.
Quéreux G, Quéreux C. Les relations entre les troubles de la peau et la pilule. « Génésis », 2008 ; 133 : 10-13
Quéreux C, Graesslin O, Raimond E. Les contraceptions difficiles. « Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction », 38 (2009) - Hors-série 3 - F25–F29
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?