Par le Dr MORGAN ROUPRÊT*
La majorité (90-95 %) des carcinomes urothéliaux sont des cancers de la vessie. Les TVEUS représentent 5 à 10 % des carcinomes urothéliaux. Ils regroupent les tumeurs des cavités rénales (bassinet, calices) et les tumeurs de l’uretère. Les tumeurs de la voie excrétrice sont des tumeurs rares, avec une incidence annuelle estimée en France à 1 ou 2 nouveaux cas pour 100 000 habitants. Le risque de tumeur vésicale synchrone est de 8 à 13 %. Il existe une prédominance des TVEUS dans la population masculine avec un rapport homme/femme compris entre 3 et 4. L’âge moyen au diagnostic est de 65-70 ans. Le principe de la prise en charge endoscopique des tumeurs de la voie excrétrice s’appuie sur les résultats obtenus avec la résection transuréthrale des tumeurs de vessie superficielles.
Traitement percutané.
La résection complète de certaines tumeurs pyélocalicielles peut être effectuée avec la même installation (décubitus ventral) que lors de la néphrolithotomie percutanée. L’idée est de réaliser une ablation de la tumeur en fournissant un espace de travail et un champ de vision souvent plus confortables pour l’opérateur qu’en urétéroscopie. La technique consiste en premier lieu à opacifier la voie excrétrice supérieure par voie rétrograde, et à positionner, dans certains cas, un ballon obstructif. L’accès à la voie excrétrice est réalisé de façon antégrade. Après visualisation de la tumeur, l’exérèse tumorale peut être faite soit par électro résection classique, avec évacuation des copeaux et réalisation de biopsies sur la base tumorale, soit par utilisation du laser Holmium. Une néphrostomie de drainage est laissée en place pendant 2 à 4 jours. La complication la plus fréquente est le saignement per ou post-opératoire (conséquence du trajet de ponction ou de la résection). Un des risques du traitement percutané est le risque théorique, et controversé, de dissémination tumorale sur le trajet de ponction.
Urétéroscopie thérapeutique.
L'accès à la voie excrétrice se fait par voie rétrograde après dilatation de l’orifice urétéral. L’énergie de coagulation et de résection est diminuée pour ne pas léser les structures voisines. Le laser (Light Amplification by Stimulated Emission ) peut également être utilisé pour traiter les tumeurs. Les fibres de contact ou les embouts de contact, en augmentant fortement la densité énergétique, permettent d’obtenir un effet de vaporisation laser dans les tissus cibles (section). La source laser actuellement la plus adaptée à l’endoscopie interventionnelle est la source Holmium :YAG (cristal d’Ytrine-Alumine-Grenat dopé par des ions Holmium). Le générateur de ce laser a un prix d’environ 65 000 € et les fibres, autoclavables 15 fois environ, coûtent entre 450 et 650 € en fonction de leur calibre. Les petites tumeurs (< à 1 cm) pédiculées peuvent enfin être retirées à l’aide d’un panier de type Nitinol ou d'une pince crocodile puis la base d’implantation peut être vaporisée au laser. Lorsque la tumeur est située dans une tige calicielle inférieure, le traitement peut être compromis par le passage des instruments dans le canal opérateur de l’urétéroscope qui entraînent une perte de déflexion. La technique de choix est alors la résection percutanée. Les complications les plus fréquentes à long terme après urétéroscopie thérapeutique sont la sténose et la fibrose locale dont les taux varient de 4 à14 %.
Indications.
Selon les recommandations du Comité de Cancérologie de l’Association Française d'Urologie, le traitement de référence des TVEUS localisées, en 2008, reste la néphro-urétérectomie à ciel ouvert. Les traitements endoscopiques conservateurs sont uniquement indiqués en cas de nécessité : rein unique anatomique ou fonctionnel, atteinte tumorale bilatérale ou insuffisance rénale préalable ou lorsque la néphro-urétérectomie provoquerait inévitablement la dialyse définitive. Par ailleurs, l'endoscopie doit être privilégiée lorsque la chirurgie ouverte est contre-indiquée dans certains cas de patients en état général médiocre lié à leur âge ou à certains facteurs de comorbidité (score ASA ≥ 3). Les indications de principe de la chirurgie endoscopique demeurent restrictives et sont rapportées dans le Tableau 1. Malgré tout, certaines équipes défendent l'extension des indications des techniques endoscopiques. Pour les tumeurs de bas grade, le traitement endoscopique permet une conservation rénale dans plus de 70 % des cas au prix d'un risque de récidive dans la voie excrétrice traitée. Or, près de la moitié des tumeurs de la voie excrétrice sont des tumeurs de bas grade au moment du diagnostic et sont donc susceptibles d'être traitées par endoscopie (Figure 1), en sachant qu’en cas de traitement par laser, les données histologiques ne peuvent être obtenues qu’à condition de biopsier la lésion avant de la vaporiser au laser. Mais, le coût des endoscopes et des consommables est un frein majeur à la diffusion actuelle des techniques endoscopiques en France.
Résultats carcinologiques.
La récidive et la survie des patients sont directement liées au stade d'invasion et au grade de la tumeur. Pour les tumeurs de bas grade ou superficielles, les résultats de la résection percutanée sont encourageants avec des taux de récidive de 25 % à 35 % à 5 ans et des taux de survie spécifique supérieure à 95 % à 5 ans. Les résultats à 5 ans de l'urétéroscopie sont proches, avec des taux de récidive de 20 à 40 %, et des taux de survie spécifique de plus de 85 %.
Surveillance.
Le risque de récidive tumorale dans la voie excrétrice traitée après endoscopie nécessite une surveillance accrue et prolongée chez des patients informés et compliants. Dans la littérature, environ 14 % des patients subissent une néphro-urétérectomie, à terme, après traitement conservateur. Le traitement endoscopique itératif doit toutefois être encouragé aussi souvent que les conditions anatomiques locales le permettent.
La néphro-urétérectomie demeure actuellement le traitement de référence des tumeurs de la voie excrétrice supérieure. Toutefois, les indications thérapeutiques ont récemment évolué. Les bons résultats carcinologiques des traitements endoscopiques conservateurs en font une alternative à la chirurgie ouverte traditionnelle, pour la prise en charge des tumeurs de bas grade. Ces traitements nécessitent une surveillance endoscopique rapprochée. Le coût des techniques endoscopiques reste malgré tout l'un des principaux facteurs limitant la diffusion et la promotion de ce matériel en France.
* Service d'Urologie de la Pitié-Salpêtrière, Assistance-Publique Hôpitaux de Paris, Groupe Hospitalo-Universitaire Est, Faculté de Médecine Pierre et Marie Curie, Université Paris VI, Paris, France.
REFERENCES
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3. Irani J., Saint F., Bonnal J.L., Mazerolles C., Theodore C., Lebret T., et al. : Tumeur de la voie excrétrice supérieure : traitement conservateur dans les formes localisées. Prog Urol, 2003, 13 : 555-9.
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