Dans les cancers prostatiques résistants au traitement hormonal, les inhibiteurs des récepteurs androgéniques — enzalutamide, abiraterone, etc. — permettent d’améliorer la survie des patients. De son côté, le radium-223 (Ra223) a montré qu’il pouvait prolonger la survie de patients porteurs de métastases osseuses peu ou asymptomatiques (étude Alsympca). Or l’association radiothérapie/antiandrogène a des effets synergiques dans les cancers localisés. D’où l’idée de tester l’association Ra223/enzalutamide chez des patients présentant un cancer métastatique hormorésistant, avec des métastases pauci ou asymptomatiques. Tel était l’objet de l’étude Peace-3, présentée en session plénière à l’Esmo, avec des résultats très encourageants, puisqu’elle met en évidence un allongement de la survie radiologique sans progression, qui pourrait amener à modifier les pratiques (1). D’autant qu’à l’analyse intermédiaire, la survie globale est aussi améliorée, même si cela reste à vérifier.
Un essai académique associant Eortc/CTI/Cugo/Lagog et Unicancer
L’étude porte sur des patients présentant un cancer de la prostate avec des métastases osseuses résistantes à l’hormonothérapie, non ou peu symptomatiques. Les patients ne devaient pas avoir été traités précédemment par un inhibiteur des récepteurs aux androgènes.
Entre 2015 et 2023, près de 466 hommes ont été recrutés. Dès 2018, en raison de l’excès de risque fracturaire observé dans l’essai Era-223 avec cette association, tous recevaient en plus de l’acide zoledronique ou du denosumab.
Ces sujets ont 70 ans d’âge médian. Leur taux de PSA médian était de 24 ng/ml. Parmi eux, un tiers avaient reçu un taxane (docétaxel). Ils ont été randomisés en deux bras : enzalutamide versus enzalutamide plus Ra223, pour six cycles. Le critère primaire est la survie radiologique sans récidive, la survie globale faisant partie des critères secondaires.
Allongement relatif de 30 % de la survie radiologique sans progression
Au moment de l’analyse, le suivi médian est de 42 mois. La survie radiologique sans progression est de 19,4 mois dans le bras enzalutamide versus 16,4 mois dans le bras enzalutamide-Ra223. Soit un RR = 0,69 [0,54-0,87], p = 0,0009, témoignant d’un allongement relatif d’un tiers de cette survie. De fait, à 24 mois, 36 % des patients du bras enzalutamide n’avaient pas progressé, contre 45 % des patients du bras enzalutamide-Ra223. Et ces résultats sont retrouvés dans tous les groupes d’âge, indépendamment d’un prétraitement par taxane, du score de douleur initial et du nombre de lésions osseuses.
La survie globale à 42 mois est de 35 versus 42 mois : RR = 0,69, mais ce résultat devra être confirmé sur l’ensemble des données en fin d’étude, en raison d’une non-proportionnalité.
Les événements indésirables sont dominés dans les deux bras par l’hypertension. Aucun type d’évènement grave (de grade supérieur ou égal à 3) n’a été majoré de plus de 5 % dans le bras association, versus enzalutamide seul. Aucune ostéonécrose de la mâchoire n’a été observée.
Une place probable à l’avenir qui reste à préciser
« Cet essai Peace-3 devrait venir rapidement modifier les pratiques et devenir une nouvelle option de traitement en première ligne des patients porteurs de cancer prostatique métastatique hormorésistant avec métastases osseuses », résumait la Pr Silke Gillessen (Bellinzona, Suisse), qui présentait cette étude en late breaking au congrès de l’Esmo. « Néanmoins, plusieurs questions restent posées, souligne Pr Karim Fizazi (IGR, Villejuif, 2). Le bénéfice sur une progression radiologique a peu d’impact en clinique. D’autant que, dans cet essai, l’association enzalutamide-Ra223 n’est pas associée à une réduction du délai avant progression de la douleur ou avant la survenue d’un événement symptomatique osseux. Il serait donc prudent, avant de modifier les pratiques d’avoir confirmation du bénéfice en survie totale. » Par ailleurs, désormais, nombre de patients ont déjà reçu un inhibiteur des récepteurs aux androgènes, avant même le développement des métastases. Dans ce contexte quelle sera la place de ce traitement ? La question reste ouverte dans les pays qui utilisent déjà ces traitements plus tôt.
(1) S Gillessen et al. A randomized multicenter open label phase III trial comparing enzalutamide vs a combination of Radium-223 (Ra223) and enzalutamide in asymptomatic or mildly symptomatic patients with bone metastatic castration-resistant prostate cancer (mCRPC): First results of EORTC-GUCG 1333/Peace-3. LBA1 Esmo 2024
(2) K Fizzazi : Invited Discutant, Esmo 2024
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?