Deux études, Prospect et Prodige, se sont intéressées à l’utilisation de la chimiothérapie préopératoire dans les cancers du rectum non métastatiques.
Limiter le recours à la radiothérapie grâce au FOLFOX néoadjuvant
« L’étude de phase III nord-américaine Propect est une tentative de personnalisation thérapeutique, pour éviter si possible le traitement standard préopératoire de chimioradiothérapie (CRT) concomitante, explique le Pr Thierry Conroy (Nancy). Elle a inclus des cancers du rectum de stades précoces (T2 ou T3), avec un envahissement ganglionnaire faible ». Cet essai de non-infériorité présenté en session plénière et publié au « New England Journal of Medecine » (1), a été mené sur plus de 1 000 patients. Il montre que le FOLFOX modifié (FOLFOXm), utilisé en néoadjuvant (et non plus en adjuvant) avec une utilisation sélective de la chimioradiothérapie (CRT) pelvienne, permet le même taux de guérison que le traitement préopératoire standard par CRT systématique. Dans le groupe FOLFOXm (n = 585), lorsque la régression tumorale atteignait au moins 20 %, il n’y avait pas de radiothérapie avant chirurgie rectale. Lorsqu’elle était inférieure à 20 %, une CRT était instaurée avant l’opération. Le groupe standard (n = 543) recevait systématiquement la CRT néoadjuvante, avec de la capécitabine ou du 5-FU.
Dans le bras FOLFOXm, la RCT a dû être administrée à 53 participants (9,1 %) en raison d'une réponse tumorale en dessous de 20 % ou d'une intolérance au FOLFOX. Les résultats à cinq ans sont pratiquement identiques sur le taux de survie sans maladie (80,8 % versus 78,6 %, HR = 0,92, p de non-infériorité = 0,0051) et de survie globale (89,5 % versus 90,2 %). Mais, il a été observé moins de séquelles à long terme en particulier sexuelles ou neurotoxiques, et moins de complications postopératoires sévères en l’absence de CRT. Toutefois, les tumeurs à haut risque touchant la paroi pelvienne, nécessitant une radiothérapie, n’ont pas été incluses dans cet essai. « Ainsi, pour de très bon cas de cancer du rectum, six mois de chimiothérapie préopératoire par FOLFOXm peuvent remplacer cinq semaines de radiothérapie. Aucune différence n’a été constatée en termes de récidive locale ou à distance. L’avantage pour le patient est d’éviter la radiothérapie », résume le Pr Conroy.
Intensifier la chimiothérapie en préopératoire avec le FOLFIRINOX
Présentés par le Pr Conroy, les résultats à sept ans de l’étude Prodige 23 (promue par Unicancer GI) portaient sur 460 patients atteints de cancer du rectum non métastatique, mais à un stade plus avancé (T3 ou T4) et avec un envahissement ganglionnaire important. Un groupe recevait une CRT préopératoire, suivie de la chirurgie puis d’une chimiothérapie adjuvante (mFOLFOX) pendant six mois, un traitement efficace mais avec toutefois un risque de 25 % de métastases. Dans l’autre bras, les patients étaient traités par six cycles de mFOLFIRINOX, suivi de la CRT avant la chirurgie, puis par trois mois de chimiothérapie adjuvante. « On a gardé le même traitement standard mais avec trois mois de chimiothérapie intensifiée par mFOLFIRINOX avant l’opération, et trois mois de mFOLFOX après la chirurgie, résume le Pr Conroy. L’idée était que nous allions détruire les micrométastases plus facilement avec une chimiothérapie intensifiée réalisée précocement. C’est le résultat que nous avons obtenu ! »
En effet, « la chimiothérapie par FOLFIRINOX a permis de contrôler les symptômes plus rapidement, avec moins de toxicité neurologique. Faire la chimiothérapie en deux temps est bénéfique ! », ajoute le Pr Conroy. Avec une médiane de suivi de près de sept ans, tous les résultats sont significativement supérieurs dans le groupe mFOLFIRINOX. La survie sans maladie atteint 67,6 % (versus 62,5 %, p = 0,048), et la survie sans métastases 73,6 % (versus 65,4 %, p = 0,011). « On a diminué le risque de métastases et de récidive locale, avec une amélioration de la qualité de vie. Chaque année, les patients bénéficient d’un mois supplémentaire sans métastases, commente le Pr Conroy. De plus, 85 % des personnes ont pu conserver leur anus. Enfin, c’est une première depuis 1997 : nous avons obtenu une amélioration en survie globale de 7 % (81,9 % versus 76,1 %, p = 0,033). Une chimiothérapie plus intensive, intervenant précocement sur les micrométastases, est donc la stratégie à privilégier ».
D'après les présentations à l'ASCO de la Dr Deb Schrag (États-Unis) et du Pr Thierry Conroy (Nancy, France), ainsi que du point presse Unicancer
(1) Schrag D et al. Preoperative Treatment of Locally Advanced Rectal Cancer. NEJM. June 4, 2023
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