Les femmes souffrant de cancer du sein développent souvent des symptômes génito-urinaires de ménopause, naturels ou chimio-induits. À savoir sécheresse vaginale, démangeaisons, incontinence urinaire et douleurs associées aux rapports sexuels. Or, ces symptômes tendent à augmenter avec le traitement par anti-aromatase. Ils peuvent amener à réduire l’observance à ce traitement adjuvant endocrinien, pourtant essentiel dans les cancers hormonosensibles. Pour autant, il est difficile de prescrire un traitement hormonal substitutif systémique, qui fait courir le risque d’une augmentation des récidives. Alors, comment prendre en charge ces symptômes ?
La prise en charge initiale recommandée repose sur des traitements non médicamenteux. Mais quand l’objectif n’est pas atteint, quid des traitements estrogéniques locaux, au niveau vaginal, chez ces femmes ? Ils sont en théorie envisageables, mais aucune étude randomisée assez puissante ne s’était attelée à tester leur sécurité. Et les études observationnelles menées jusqu’ici étaient de taille limitée. Aujourd’hui, l’analyse d’une vaste cohorte anglo-saxonne apporte des données rassurantes (1). On n’a en effet aucune augmentation de la mortalité spécifique par cancer du sein chez les utilisatrices d’estrogènes locaux, du moins à court et moyen terme.
Près de 50 000 femmes de 40 à 79 ans
La cohorte rassemble l’ensemble des femmes de 40 à 79 ans ayant eu un diagnostic de cancer du sein, entre 2010 et 2017 en Écosse et entre 2000 et 2016 au pays de Galles. Celles ayant un antécédent de cancer étaient exclues. Leur suivi porte jusqu’en 2020.
Au total, 5 % utilisent des estrogènes vaginaux et 1 % des estrogènes systémiques. Dans cette cohorte, au terme du suivi 5 795 sont mortes de cancer du sein, avec un suivi médian de 8 [5-12] ans.
L’analyse a été ajustée sur de nombreux paramètres, dont le stade et le grade du cancer, l’IMC et le tabagisme.
Les résultats mettent en évidence un léger recul de la mortalité spécifique chez les femmes utilisant des estrogènes vaginaux (RR = 0,77 [0,63-0,94]). Ce constat est retrouvé y compris chez les femmes s’étant vu délivrer plus de cinq prescriptions (RR = 0,57 [0,34-0,96]) ou des formes hautement concentrées, telles que les comprimés de 25 microgrammes d’estradiol (RR = 0,81 [0,55-1,21] ; NS).
Cette association est retrouvée dans la plupart des analyses de sensibilité, en particulier quand on se restreint aux femmes avec des cancers hormonosensibles de même que celles sous anti-aromatase.
Un traitement envisageable au cas par cas
Cette vaste cohorte ne met donc pas en évidence d’augmentation de la mortalité spécifique chez les femmes utilisant des estrogènes locaux. Ce résultat vient conforter celui observé dans une cohorte danoise de plus de 8 000 femmes, dans laquelle néanmoins l’utilisation d’estrogènes locaux chez des femmes sous anti-aromatase était associée à une augmentation de 40 % des récidives. Un sous-groupe dans lequel cette nouvelle étude ne met pas en évidence de surmortalité spécifique. C’est pourquoi, en l’absence d’études randomisées, cette analyse confirme que les traitements estrogéniques locaux sont envisageables chez les femmes ayant un cancer du sein. Mais toujours en seconde ligne, après échec des prises en charge non médicamenteuse.
(1) L Mc Vicker et al. Vaginal estrogen therapy use and survival in females with breast cancer. JAMA Oncol. 2023 Nov 2:e234508
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