Les cellules tumorales se développent très rapidement. Pour croître et se renouveler, elles ont un grand besoin de nutriments. Ce constat a mené certains experts à émettre l'hypothèse suivante : si la nutrition favorise la croissance des tumeurs, une restriction alimentaire pourrait permettre d'arrêter leur développement ? Des recherches expérimentales (1) menées sur des souris (soumises à une restriction calorique de 40 % pendant 12 à 24 jours) ont montré une diminution de la croissance tumorale. Mais cet effet bénéfique n'a pas été observé pour tous les types de tumeurs. « En effet, les tumeurs AKT dépendantes (tumeurs régulées par la prise alimentaire et l'insuline) étaient sensibles à la prise alimentaire. En revanche, chez les souris dont les cellules cancéreuses présentaient une dérégulation de la voie AKT, la croissance tumorale n'était plus dépendante de l'apport alimentaire. Globalement, ces travaux ont montré que si les tumeurs sont PI3kinase dépendantes, elles sont insensibles à la restriction alimentaire », explique le Dr Christophe Moinard, professeur à l'université Grenoble Alpes. Ainsi, chez l'animal, la restriction alimentaire ne permet pas toujours de limiter la croissance tumorale. Il n'est donc pas possible de conclure à une relation directe entre croissance tumorale et niveau d'apport en nutriments.
Outre les tumeurs cancéreuses, les cellules immunitaires ont également besoin de nutriments pour être efficaces. Or, c'est justement le système immunitaire qui combat la tumeur cancéreuse. « Une déprivation en nutriments pour essayer de limiter la croissance tumorale prive le système immunitaire de nutriments et le rend donc moins efficace pour lutter contre le cancer », note le Dr Moinard. Par ailleurs, le cancer est une pathologie qui concerne un grand nombre de personnes âgées. Or chez cette population, le jeûne diminue la fonction immunitaire de façon durable et souvent irréversible et favorise, très souvent, une dénutrition avec effets dramatiques (augmentation de la durée de séjour à l'hôpital, de la prise d'antibiotique, du risque de mortalité…).
L'espoir réside dans la médecine personnalisée
Autre postulat : le jeûne effectué peu avant une chimiothérapie pourrait augmenter son efficacité. Selon cette hypothèse, le jeûne permettrait d'inhiber les voies anaboliques des cellules non cancéreuses et donc, de limiter leur croissance au profit d'une maintenance. En revanche, les cellules cancéreuses -étant métaboliquement très actives- resteraient sensibles à la chimiothérapie. Ainsi, le jeûne (juste avant une chimiothérapie) permettrait de préserver les cellules saines après chimiothérapie et donc, d’augmenter l'efficacité de ce traitement. « Malheureusement, aujourd'hui, les études (menées au niveau cellulaire et animal) n'ont pas permis de valider cette thèse », indique le Dr Moinard. Enfin, chez l'homme aucune étude n'a, à ce jour, démontré l'effet direct du jeûne sur le cancer. Car chaque cancer est unique et chaque tumeur possède son propre métabolisme. « Si ce concept est un jour validé, il faudra des études cliniques montrant son intérêt et pour un cancer donné », conclut le Dr Moinard.
D'après la conférence, Jeûne thérapeutique et cancer : fait médiatique ou fait scientifique ? du Dr Christophe Moinard, lors de la journée Benjamin Delessert, mercredi 1
er février 2017
(1) Kaalany et al. Nature 2009
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