UNE TECHNIQUE à la fois innovante et spectaculaire de traitement des sarcomes des membres était présentée la semaine passée à l’Académie de Médecine. Elle permet d’éviter l’amputation d’un membre, fréquente dans cette affection, chez 78 % des patients. Elle peut même être suivie d’irradiation, si nécessaire. Michel Germain et son équipe de chirurgie oncologique* à l’Institut Gustave-Roussy (Villejuif) décrivaient à la fois la méthode chirurgicale et les résultats enregistrés entre 2000 et 2008 auprès d’une série de 37 patients. Résultats satisfaisants, dans cette tumeur dramatique, avec 52 % de survie globale à cinq ans.
Avant d’envisager les données chiffrées, il est indispensable d’appréhender la méthode, rendue possible par les travaux de l’équipe bruxelloise de Lejeune et Liénard en 1989. Cette chirurgie met à profit et combine trois progrès récents dans le traitement des sarcomes des tissus mous de membres : la perfusion du membre isolé par circulation extracorporelle (CEC), l’utilisation du tumor necrosis factor α (TNFα) associé au melphalan, les transplants microchirurgicaux de couverture.
Court-circuiter la circulation systémique.
La CEC, tout d’abord, a pour but de court-circuiter la circulation systémique afin d’administrer des produits efficaces à un niveau locorégional, en évitant le plus que possible leurs effets généraux. Elle ne peut être réalisée qu’en cas de tumeur de topographie distale. La perfusion par cette voie est impossible en cas de sarcome situé à la racine d’un membre. Les complications décrites sont locales, il s’agit de troubles neurologiques, de paresthésies, d’œdèmes, raideur du membre.
La perfusion de TNFα, associé au melphalan, constitue la révolution de la technique, par son utilisation sous CEC. C’est à cette association qu’est attribuée la réduction de 78 % du taux d’amputations. Le TNFα augmente la pénétration des antitumoraux. Il agit en majorant la perméabilité des vaisseaux et donc l’accumulation du melphalan localement. Ensuite, il détruit sélectivement la néovascularisation tumorale, créant ainsi une nécrose qui permet l’ablation de la zone tumorale.
Taillé sur mesure.
La technique des transplants libres, enfin, contribue au résultat aux plans carcinologique et fonctionnel. Leur taille peut être adaptée à toute ampleur d’exérèse. Le plus souvent, les chirurgiens utilisent un transplant de grand dorsal ou de grand droit de l’abdomen. Taillé sur mesure il évite, notamment, les décollements cutanés excessifs, la fermeture sous tension… Il peut être orienté à souhait. Par rapport au lambeau pédiculé, il n’aggrave pas la situation locale. Une anastomose avec un nerf moteur du muscle excisé est possible de même qu’un éventuel pontage vasculaire.
L’équipe de l’hôpital Gustave-Roussy a donc enrôlé entre 2000 et 2008, 22 femmes et 15 hommes, âgés de 15 à 78 ans. Les sarcomes siégeaient aux membres inférieurs dans 26 cas et aux membres supérieurs pour 11 cas. Le transplant libre a été le plus souvent prélevé sur le grand dorsal (n = 31). Enfin 25 patients ont dû bénéficier d’une radiothérapie complémentaire.
Dans cette série deux transplants se sont nécrosés et ont justifié une réintervention. Les résultats sont présentés selon le stade d’exérèse : R0, marges en tissu sain (n = 29) ; R1, résidu microscopique tumoral sur la berge (n = 7) ; R2, résidu macroscopique sur la berge (n = 1). Avec un recul médian de 5 ans, aucun patient R0 n’a déclaré de récidive locale ou de métastase.
« La réussite de telles interventions, a conclu l’équipe, dépend d’une bonne collaboration entre chirurgien oncologue et chirurgien de reconstruction. La prise en charge multidisciplinaire des sarcomes des tissus mous est indispensable, car elle demande des compétences multiples extrêmement spécialisées. »
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