« Aujourd'hui, parmi les 50 000 nouveaux cancers prostatiques annuels tous stades confondus, la chirurgie prostatique d’exérèse concerne 40 % d’entre eux, soit 20 000 personnes par an. Cela reflète combien la chirurgie reste un des piliers de la prise en charge du cancer prostatique, parallèlement aux importantes avancées thérapeutiques systémiques dans les formes métastatiques », souligne le Pr Xavier Durand (Groupe Hospitalier Paris Saint-Joseph). Et depuis la première prostatectomie totale en 1900, les techniques opératoires ont largement évolué, entraînant un net recul des complications.
Une référence dans les formes localisées
« La prostatectomie totale est le traitement de référence des formes localisées », rappelle le Pr Durand. En 2014, une étude randomisée a confirmé que c'était l'option associée aux meilleures survies sans progression, spécifique et totale (1). Elle comparait la chirurgie d'entrée, versus surveillance et traitements ultérieurs si besoin. Le bénéfice en mortalité était particulièrement important chez les moins de 65 ans (RR = 0,45). Chez les plus âgés, le bénéfice s'exprimait davantage en termes de risque métastatique (RR = 0,65). « Mais des alternatives à la chirurgie sont envisageables, en fonction du risque carcinologique, de l'espérance de vie du patient, de ses attentes et de ses peurs », précise le Pr Durand.
Dans les formes localisées à bas risque, la surveillance active ou les traitements focaux ont une indication de choix. La prostatectomie totale est surtout utilisée dans les risques intermédiaires à très élevés, où l'alternative repose sur l'association radio-hormonothérapie. « Dès 10 ans d'espérance de vie et un taux de PSA supérieur à 10 ng/ml, la chirurgie donne des résultats carcinologiques et une survie spécifique globale ( 85 à 97 % à 12 ans) supérieure par rapport à la surveillance (2). C'est d'autant plus vrai que le risque, notamment celui d’envahissement ganglionnaire, est important. L'indication de curage ganglionnaire, en fonction du risque évalué (3), vient renforcer le rationnel pour une option chirurgicale », ajoute Xavier Durand.
Une prise en charge multimodale en cas de haut risque
« La radiothérapie focale et les nouvelles hormonothérapies auraient pu reléguer la chirurgie prostatique au placard. Il n'en est rien. Même dans les formes localisées à haut risque, la chirurgie garde une place dans une stratégie de prise en charge multimodale », commente le Pr Durand. Dans les formes à haut risque associées à un taux significatif de récidive, il vaut mieux commencer par la chirurgie. Outre le contrôle local, elle permet une analyse anatomopathologique complète, et une stadification précise des atteintes ganglionnaires par curage pelvien extensif. Même en cas de haut risque, une petite proportion de patients en sort guéris. Les autres recevront, en seconde ligne, une radio-hormonothérapie. À l’inverse, une chirurgie de rattrapage sur prostate irradiée (bien loin d'être idéale sur le plan fonctionnel) n'est plus pratiquée. « Même en cas de risque élevé, l'abord multimodal tend aujourd'hui à privilégier la chirurgie en première ligne. Chez le sujet jeune à haut risque, une étude internationale en cours, comparant chirurgie-curage versus radio-hormonothérapie, devrait en préciser le bénéfice-risque », annonce Xavier Durand.
De multiples avancées
L'ablation totale de la prostate est une technique en perpétuelle évolution. Une meilleure connaissance des supports anatomiques de la continence, de l’érection et des structures périprostatiques, a permis d’en améliorer considérablement les suites fonctionnelles. En parallèle, les voies d'abord ont évolué. Concernant la chirurgie ouverte, on est passé de la voie périnéale à l'abord rétropubien. « La voie laparoscopique, de réalisation délicate pour la prostatectomie, a largement bénéficié de l'arrivée des robots chirurgicaux. En France, c'est la technique opératoire majoritaire depuis une dizaine d'années. En effet, la voie laparoscopie robotisée, versus sans robot, est associée à une réduction significative des besoins en transfusions, des dommages d'organes, des échecs en termes de marges saines, et de la durée d'hospitalisation (une nuit) », explique le Pr Durand (4). L'ablation sous laparoscopie robotisée peut même être réalisée en ambulatoire (5).
« Parallèlement à ces avancées, les complications (incontinence, impuissance) ont reculé, d'autant qu’il existe désormais une démarche pro-active de prévention. Une réhabilitation active est favorisée par des conseils, une rééducation sphinctérienne préopératoire, le suivi postopératoire précoce, les soins de support, un rendez-vous à un mois avec un andrologue et des injections intracaverneuses systématiques. Ceci s’inscrit dans une logique indispensable de prise en charge globale et multidisciplinaire du patient, dite de réhabilitation rapide après chirurgie (RRAC) », souligne le Pr Durand.
D'après un entretien avec le Pr Xavier Durand ( Groupe Hospitalier Paris Saint Joseph)
(1) Bill-Axelson A et al. NEJM 2014;370:932-42
(2) Wilt TJ et al. NEJM 2012;367:203-13
(3) Hinev A al. Urol Int 2014;92:300-5C
(4) Ramsay C et al. Health Technol Assess. 2012;16(41):1-313
(5) Ploussard G et al. World J Urol. 2022 Jun;40(6):1359-1365
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