DES TRAVAUX antérieurs sur l’évolution des disparités sociales de mortalité avaient déjà mis en évidence le renforcement depuis une dizaine d’années des inégalités en France, notamment face au cancer. L’atlas publié par l’INCa et l’INSERM permet aujourd’hui de disposer d’un état des lieux récent de la répartition géographique de la mortalité par cancer, devenu en 2004, la première cause de décès en France, et d’en suivre l’évolution pendant plus de trente ans. À partir des données issues des fichiers du CépiDc (Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès), portant sur 8 millions de décès survenus entre 1970 et 2004, les chercheurs ont pu établir des graphiques et des cartes qui mettent en évidence les permanences, les infléchissements ou les changements brutaux. L’étude, descriptive, ne permet pas « de démêler l’enchevêtrement des facteurs associés aux disparités », souligne Martine Le Quellec-Nathan, directrice du département Santé publique à l’INCa. Cependant, elle ouvre des pistes de recherches sur les mécanismes sociaux et territoriaux à l’uvre.
Écart hommes-femmes.
L’analyse confirme que le nombre de décès et la part des décès dus aux cancers ont fortement augmenté depuis 1970. Le nombre annuel est passé est passé de 110 000 en 1970 à 150 000 en 2004, soit un accroissement de plus de 35 %. Elle souligne aussi l’écart important de mortalité entre les hommes et les femmes, dont l’espérance de vie se situe parmi les plus élevée au monde. La progression du nombre de décès féminins a été lente et régulière sur l’ensemble de la période, passant de 50 000 en 1970 à 60 000 en 2004. Chez les hommes, le nombre de décès a fortement augmenté de 1970 au début des années 1990, passant de 60 000 à près de 90 000 pour ensuite se stabiliser. La part des cancers dans la mortalité a augmenté : elle est passée d’un décès sur 5 à près d’un décès sur 3 ; et cette part reste beaucoup plus importante pour les hommes que pour les femmes (35 % contre 25 % en 2004).
La hausse du nombre de décès, essentiellement due à l’accroissement et au vieillissement de la population, ne s’accompagne pas d’une augmentation des taux standardisés sur l’âge. À structures d’âge équivalentes sur l’ensemble de la période, les taux de mortalité par cancer diminuent régulièrement depuis la fin des années 1990. Globalement, le risque de décéder d’un cancer est en diminution, ce qui traduit soit une diminution de l’incidence, soit, dans d’autres cas, l’amélioration de la survie du fait d’un diagnostic précoce, des progrès des traitements et de la prise en charge. Le risque continue toutefois à augmenter pour certains cancers, tels que ceux de la peau et du foie, les mésothéliomes et les cancers broncho-pulmonaires, qui est en forte augmentation chez la femme.
Croissant de la Bretagne à l’Alsace.
Les disparités régionales sont très marquées et persistent tout au long de la période, avec une organisation spatiale fortement structurée chez les hommes, plus faiblement chez les femmes. « L’attitude face aux comportements à risque ou aux comportements préventifs, face aux soins, les expositions professionnelles, les rapports au corps et à la maladie sont beaucoup moins différenciés pour les hommes que pour les femmes », note Éric Jougla, directeur du CépiDc. Dans l’avenir cette différence devrait s’estomper avec le rapprochement des attitudes féminines et masculines, comme le montre déjà la structuration spatiale de la mortalité féminine par cancers broncho-pulmonaires. Pour les hommes, les cartes mettent en évidence un croissant de surmortalité allant de la Bretagne à l’Alsace, qui s’oppose à la sous-mortalité au centre-ouest, au sud-ouest et au sud-est. Depuis la fin des années 1990, est apparue une diagonale centrale de surmortalité allant de la Champagne-Ardenne à l’Auvergne, associée à une détérioration relative dans le pourtour méditerranéen et le centre-ouest, qui passent d’une situation de sous-mortalité à une situation de mortalité moyenne. À l’inverse, l’Alsace, l’ensemble rhône-alpin et certaines villes universitaires bretonnes connaissent une nette amélioration de la mortalité par cancer, avec des taux largement inférieurs à la moyenne nationale. De même, les écarts grandissent entre les centres urbains et leurs périphéries. Ces changements sont le reflet des mutations socio-économiques et culturelles des régions françaises.
La distribution spatiale de la mortalité varie également en fonction du type de cancer, avec par exemple, dans le nord-ouest, des taux élevés de la mortalité par cancer de l’appareil digestif , tandis que le nord-est marqué par des taux élevés de la mortalité par cancers de l’appareil respiratoire ou de la vessie.
* Collection « Rapport & synthèse », 182 pages, téléchargeable sur www.e-cancer.fr.
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