DE NOTRE CORRESPONDANT
LA MALADIE s’est révélée, chez la mère, une femme de 28 ans, par un saignement vaginal 36 jours après l’accouchement. La découverte d’une leucocytose massive (206 800/microL) avec 97 % de lymphoblastes, associée à une anémie et une thrombopénie, et le caractère peroxydase négative des lymphoblastes à la ponction aspiration médullaire a conduit au diagnostic de LAL à précurseurs B. Les lymphoblastes étaient positifs pour les anticorps anti-CD10, CD19, CD20, CD34, CD79a et TdT.
La fille de cette patiente fut, quant à elle, admise à l’âge de 11 mois pour une tuméfaction de la joue. Un IRM mit en évidence une masse maxillaire et un épanchement pleural, sans adénopathie ni organomégalie. Une biopsie de la tumeur de la joue a permis de poser le diagnostic de lymphome lymphoblastique à précurseurs B. La tumeur était positive pour les anticorps anti-LCA, CD10, CD20, CD 34, CD79a et TdT. Une analyse FISH (Fluorescent In Situ Hybridization) a, par ailleurs, détecté le gène de fusion BCR-ABL1, gène qui avait également été mis en évidence chez la mère par RT-PCR. Des ARNm de BCR-ABL1 chimérique ont, en outre, été découverts dans le liquide pleural de l’enfant.
Même génotype et même immunophénotype.
Les cellules cancéreuses de l’enfant présentaient donc le même génotype (gène de fusion BCR-ABL1) et le même immunophénotype que les cellules LAL de la mère. La séquence de fusion entre l’intron 1 BCR et l’intron 1 ABL1 au niveau de la biopsie médullaire de la mère s’est avérée identique à celle découverte au niveau de l’épanchement pleural chez la fille (2), et une analyse de 15 marqueurs microsatellites STR (Short Tandem Repeat) faite à partir de l’ADN extrait d’une biopsie de maxillaire de l’enfant a démontré qu’ils étaient d’origine maternelle et non paternelle.
La survie de cellules maternelles chez l’enfant requiert une forme de tolérance immunologique des cellules exprimant les antigènes du complexe majeur d’histocompatibilité maternels étrangers, non hérités. Les chercheurs ont découvert que la tumeur maxillaire « BCR-ABL1 positive » chez l’enfant avait délété les allèles HLA non transmis de la mère à la fille. Cette délétion, de taille importante, fut localisée au niveau du chromosome 6p.
Barrière placentaire.
L’extrême rareté de la transmission fto-maternelle du cancer témoigne de l’efficacité de la barrière placentaire et, peut-être, du rôle de l’immunosurveillance. Dans le cas présent, la perte des allèles HLA maternels non hérités pourrait expliquer la transmission à l’enfant des cellules cancéreuses maternelles devenues immunologiquement inertes. Toutefois, compte tenu de la taille importante de la délétion 6p, il n’est pas exclu que d’autres pertes génétiques aient contribué au défaut apparent d’immunosurveillance. Il semble que ce type d’invisibilité immunologique soit également en cause dans les cas de transmission de cellules cancéreuses entre jumeaux monozygotes in utero (Greaves et coll., 2003) ou à partir d’organes greffés contaminés par des cellules cancéreuses (I Penn, 1991).
(1) T Isoda, AM Ford, D Tomizawa, FW van Delft, DG de Castro, N Mitsuiki, J Score, T Taki, T Morio, M Takagi, H Saji, M Greaves, S Mizutani. Immunologically silent cancer clone transmission from mother to offspring. Proc Natl Acad Sci USA (2009) Publié en ligne.
(2) Les gènes de fusion cancéreux, qui résultent de translocations chromosomiques, présentent, au niveau des zones de fusion, des séquences génomiques d’une grande spécificité qui peuvent servir de marqueurs pour identifier des lignées monocellulaires individuelles.
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