LE QUOTIDIEN : Quels ont été les principaux progrès de la radiologie interventionnelle ces dernières années ?
Pr FRANCIS JOFFRE : Le principal progrès, sur lequel la Société française de radiologie (SFR) va beaucoup communiquer lors de son congrès, concerne la cancérologie. En permettant un guidage de plus en plus fin, l’imagerie a permis l’essor des techniques de destruction percutanée des tumeurs.
Le principe consiste à détruire des tumeurs de relativement petite taille par l’intermédiaire d’aiguilles servant de vecteur à des agents physiques comme les radiofréquences, le froid (cryothérapie) ou un rayonnement laser. Ces techniques, évidemment moins risquées que la chirurgie, présentent à priori un intérêt majeur dans diverses indications : cancer de la prostate, du foie, du rein, nodules pulmonaires, métastases osseuses. Pour ces dernières, on peut associer une cimentoplastie à la destruction proprement dite. Certaines équipes commencent même à évaluer le potentiel des radiofréquences dans le cancer du sein.
Quelle que soit la localisation tumorale, l’imagerie joue naturellement un rôle essentiel. Pour le moment, les deux techniques les plus utilisées sont l’échographie et le scanner. Mais on peut penser que l’IRM constitue la technique d’avenir, d’abord parce qu’elle est non irradiante, ensuite parce qu’elle permet un contrôle immédiat de la destruction de la tumeur beaucoup plus précis que le scanner.
Notons, enfin, que la destruction percutanée des tumeurs, par l’intermédiaire d’aiguilles, n’est probablement qu’une étape vers des traitements moins invasifs, et que l’on voit déjà se développer la technique des ultrasons focalisés. Or, seule l’IRM permet de guider le faisceau vers la tumeur.
Et en dehors de la cancérologie ?
La radiologie interventionnelle est appelée à se développer dans la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux (AVC), puisqu’une étude récente a montré l’intérêt d’associer une thrombolyse in situ à la thrombolyse classique (1).
Dans les pathologies vasculaires pures, les progrès des dispositifs implantables vont également multiplier les gestes thérapeutiques effectués sous guidage radiologique. Les dissections aortiques de type 2, notamment, jusqu’à présent simplement surveillées, sont de plus en plus fréquemment traitées par voie endovasculaire.
Enfin, des indications plus simples, comme l’infiltration des nerfs, peuvent aujourd’hui être effectuées sous scanner, beaucoup plus précis que le guidage radiologique conventionnel. La tolérance s’en trouve très améliorée, ce qui fait aussi partie des résultats utiles aux patients.
En pratique, la radiologie interventionnelle dispose-t-elle des moyens de son développement ?
Les gestes guidés par radiologie interventionnelle peuvent requérir des plages d’occupation importantes des appareils d’imagerie. Par exemple, la cryoablation d’une tumeur représente deux heures d’occupation. Par ailleurs, des indications comme l’AVC supposent des appareils accessibles en urgence, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24.
Face à ces besoins, les moyens dont nous disposons sont à la fois limités et répartis de manière très hétérogène sur le territoire. Les autorisations dépendent actuellement des agences régionales de l'hospitalisation (ARH), et certains directeurs sont sensibles aux arguments de la profession, d’autres moins. Nous attendons donc de savoir quelle sera la stratégie des futures agences régionales de santé (ARS) pour rétablir une égalité entre régions.
A la demande du cabinet de Roselyne Bachelot, la Fédération de radiologie interventionnelle, groupe transversal de la SFR qui regroupe de spécialistes de chaque organe, a travaillé sur l’organisation d’une permanence des soins en radiologie interventionnelle. Un texte a été rédigé et validé par l’ensemble des instances de la radiologie. Il devrait être présenté prochainement au Cabinet de la Ministre de la Santé par le Pr Puvo. Il semble toutefois difficile d’espérer un maillage satisfaisant du territoire et un nombre suffisant d’IRM orientées vers la thérapeutique, avant un minimum de 4 ou 5 ans.
* D’après un entretien avec le Pr Francis Joffre, service de radiologie du CHU de Toulouse.
(1) Mazighi M, Serfaty J-M, Labreuche J et col. Comparison of intravenous alteplase with a combined intravenous-intravascular approach in patients with stroke and confirmed arterial occlusion (RECANALISE study) : a prospective cohort study. Lancet Neurology 2009 ; 8 : 802-9.
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