« NI TROP TÔT, ni trop tard, toute la difficulté d’une transplantation hépatique, est de la proposer au bon moment, explique pour le « Quotidien » le Dr Jean-Charles Duclos-Vallée, hépatologue au Centre Hépato-Biliaire à l’hôpital Paul Brousse. Cette problématique n’est pas encore résolue pour les patients co-infectés par le VIH et le VHC. La sévérité de l’atteinte hépatique au moment de la transplantation conditionne la survie et la récidive virale sur greffon. Pour nous aider à établir de nouveaux modèles pronostiques fiables, nous avons créé un observatoire national incluant 50 centres d’Infectiologie et d’Hépatologie concernant les sujets coinfectés ayant une première décompensation hépatique ou un carcinome hépato-cellulaire (CHC). Notre projet est soutenu par l’Agence nationale de la recherche sur le Sida (ANRS). Cette étude observationnelle est baptisée PRETHEVIC avec le code d’enregistrement ANRS HC EP 25 PRETHEVIC ».
La récidive virale est précoce et sévère.
Depuis fin 1999, l’arrivée des nouveaux antirétroviraux a permis de proposer la transplantation hépatique aux patients infectés par le VIH, auparavant grevée d’une forte morbi-mortalité liée aux complications septiques du fait d’un non contrôle de l’infection. Parmi ces patients séropositifs, trois quarts sont coinfectés par le VHC, un quart par le VHB, avec à la marge quelques cas d’hépatites fulminantes et d’hyperplasies nodulaires régénératives par toxicité mitochondriale des antirétroviraux. Depuis le programme de transplantation THEVIC créé en 2001 par l’ANRS, le Centre hépato-biliaire dispose de la plus grosse expérience mondiale avec une centaine de patients coinfectés greffés. Les résultats sont excellents en cas de co-infection VIH et VHB. « Après greffe de foie pour coinfection VHB, il n’y a pas de récidive de l’hépatite sur le greffon, grâce aux antiviraux et aux immunoglobulines anti-HBs, ni de toxicité mitochondriale des antirétroviraux, poursuit l’hépatologue. En revanche, en cas de coinfection VHC, s’il n’existe plus également de toxicité mitochondriale des antirétroviraux, la récidive virale sur greffon est précoce et sévère. Dès 6 mois à 1 an, on constate des fibroses de grade F3-F4, voire des fibroses cholestasiantes particulièrement sévères. La survie à 5 ans n’est que de 55 % pour les sujets coinfectés, contre 75 % pour les sujets monoinfectés par le VHC ».
La sévérité de l’atteinte hépatique au moment de la transplantation conditionne la survie post-greffe. Le score de MELD est utilisé pour gérer la liste d’attente des futurs greffés. La récidive survient davantage quand le score est haut lors de l’inscription et de la transplantation. « Il faut donc que les patients soient adressés plus tôt aux centres de transplantation, explique le Dr Duclos-Vallée. La surveillance des patients cirrhotiques doit être régulière. Comment repérer le moment le plus opportun ? C’est toute la difficulté actuelle. Chez ces patients coinfectés par le VHC, en cas décompensation hépatique, c’est-à-dire encéphalopathie, ascite, hémorragie digestive, la médiane de survie n’est que de 16 mois. L’observatoire national va dans un premier temps recueillir les données des malades coinfectés après leur première décompensation hépatique jusqu’à leur transplantation puis en post-transplantation. L’objectif est de définir les critères de surveillance, d’établir des modèles pronostiques et d’être en mesure de déterminer le moment optimal pour la greffe.»
Deux urgences thérapeutiques.
Les centres de transplantation sont confrontés à deux urgences thérapeutiques. La première est de disposer le plus rapidement possible de nouveaux antiviraux dans l’hépatite C, susceptibles de négativer la charge virale du VHC avant la transplantation. « Nous avons de grands espoirs avec les nouvelles molécules antivirales, en pré- et en post-greffe immédiat. L’idéal est bien sûr de négativer le virus avant transplantation. Le deuxième axe thérapeutique est de moduler au mieux l’immunosuppression post-greffe et minimiser le risque de réactiver le virus. Si l’infection virale C est constante, le degré de fibrose est variable. Chez les sujets monoinfectés par le VHC, le taux de fibrose F3-F4 est de l’ordre de 25 % à 5 ans, c’est près du double en cas de coinfection VIH et VHC. C’est pourquoi il nous semble très important de traiter en amont, lors de l’hépatite aiguë survenant 1 mois après la greffe. Celle-ci est constante en effet, mais de degré variable, particulièrement marqué chez les sujets coinfectés. Contrôler son activité pourrait juguler l’histoire de la maladie. »
Sur les cinquante services participant à l’observatoire, la moitié est composée d’infectiologues, l’autre d’hépatologues. «Cette collaboration inter-service va permettre d’améliorer la prise en charge commune et d’homogénéiser les pratiques, souligne le Dr Duclos-Vallée. Trente cinq malades sont inclus pour le moment dans l’observatoire. Nous projetons d’en inclure au total 200 en 2 ans. Nous souhaitons réaliser une analyse intermédiaire à mi-parcours à l’inclusion de 100 malades ».
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