« SI L’ON PEUT fabriquer le Taxol à bien meilleur marché, c’est formidable, mais ce qui suscite le plus grand intérêt c’est la perspective d’utiliser notre plate-forme pour découvrir d’autres composés thérapeutiques à une époque où les nouveaux produits pharmaceutiques sont en baisse et les coûts de développement médicamenteux grimpent en flèche », explique le Pr Gregory Stephanopoulos (MIT, Cambridge, MA), qui a dirigé l’équipe de chercheurs du MIT et de l’université de Tufts (Medford, MA).
Le Taxol (paclitaxel) et ses analogues structurels sont des anticancéreux puissants, à grand succès commercial. Ils sont utilisés en traitement de première intention dans certaines formes de cancers de l’ovaire, du sein, et du poumon. Leur coût est toutefois élevé.
De 2 à 4 arbres pour un traitement.
Découvert à l’origine dans un extrait de l’écorce de l’if du Pacifique dans les années 1970, le Taxol a d’abord été fabriqué à partir de cette écorce. Il fallait de 2 à 4 arbres pour obtenir la quantité nécessaire au traitement d’un patient. Les procédés hémisynthétiques, qui ont été développés à partir des années 1990, reposent toujours sur l’extraction laborieuse de taxanes à partir d’ifs (européen, canadien). Ce qui limite la production et le développement de nouveaux dérivés qui pourraient être encore plus efficaces.
« Cette limite est le fondement de nos efforts pour rediriger la biosynthèse au sein d’une bactérie simple comme E. coli », explique le Pr Blaine Pfeifer (université de Tufts, Medford, MA). « Nous avions devant nous une immense gageure, en raison de l’ingénierie nécessaire pour équiper E. coli afin qu’elle supporte la biosynthèse du Taxol, puis de l’ingénierie protéique requise pour permettre aux deux premières étapes de cette biosynthèse d’être actives au sein du nouvel hôte bactérien ». En outre, la séquence métabolique complexe produisant le Taxol dans la plante met en jeu au moins 17 étapes intermédiaires. Et cette séquence n’est pas complètement comprise.
L’objectif de l’équipe était d’optimiser la production des premiers intermédiaires du Taxol, le taxadiene et le taxadiene-5alpha-ol. E. coli ne produit pas naturellement le taxadiene, mais synthétise l’IPP (isopentenyl pyrophosphate, un précurseur isoprenoide) qui est à deux étapes du taxadiene, intermédiaires qui ne surviennent que chez les plantes. La clé de leur réussite pour obtenir une production efficace de taxadienne est l’utilisation d’une approche modulaire pour la manipulation de la voie métabolique.
Ils ont séparé la voie globale en 2 modules : la voie MEP d’amont formant l’IPP et la voie hétérologue en aval formant les terpénoides. Une manipulation des nombreuses variables dans chaque voie a permis d’obtenir le bon équilibre pour optimiser la production de taxadiene sans accumulation d’intermédiaires potentiellement toxiques.
Environ 1 g par litre de culture.
Pour amener E. coli à convertir l’IPP en taxadiene, les chercheurs ont ajouté deux gènes de plante, qu’ils ont modifiés afin qu’ils fonctionnent chez la bactérie. Cette approche a effectivement débloqué une production sans précédent de taxadienne - environ 1 g par litre de culture, soit 1 000 fois plus élevée que ce que d’autres ont obtenu jusqu’ici avec E. coli. Après la synthèse du taxadiene, ils ont amené la bactérie à produire, pour la première fois, l’étape suivante : la synthèse du taxadiene-5alpha-ol.
Il reste encore du chemin avant de pouvoir synthétiser le Taxol dans E. coli (15 à 20 étapes). Toutefois, note le Pr Pfeifer, « bien que ceci ne représente qu’un premier pas, c’est un développement très prometteur ».
En outre, ajoute le Pr Stephanopoulos, « nous pouvons commencer à étudier les produits intermédiaires et voir s’ils possèdent des propriétés thérapeutiques. De plus, nous pouvons synthétiser des variants de ces intermédiaires qui pourraient avoir des propriétés thérapeutiques dans d’autres maladies ».
Science 1er octobre 2010, Ajikumar et coll., p 70.
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