Le rôle de Fusobacterium nucleatum se précise dans le cancer colorectal. Cette bactérie du microbiote oral, retrouvée au sein de tumeurs colorectales et suspectée d’être associée à la progression du cancer, génère un intérêt grandissant. Dans une étude publiée dans Nature, des chercheurs du Fred Hutchinson Cancer Center, qui initialement voulaient savoir comment la bactérie migrait d’un site à un autre, ont mis en évidence qu’un clade très particulier est en cause, le Fusobacterium nucleatum animalis de clade 2 (Fna C2). Des résultats inattendus qui ouvrent la porte à de nouvelles modalités de prévention et de thérapeutique ciblées.
Précédemment, il avait été établi que les tumeurs colorectales sont plus riches en Fn. Et l’équipe avait montré que les patients avec une tumeur avec un taux élevé de Fn avaient un moins bon pronostic, que la bactérie persiste au stade métastatique et qu’une modulation du microbiome ciblant Fn pouvait changer le cours de la maladie. Problème : il existe une très grande hétérogénéité génotypique et phénotypique parmi les souches. Alors que les résultats étaient très variables selon la souche étudiée entre les différentes équipes, les scientifiques supposent alors que seul un groupe sélectionné bactérien possède les capacités carcinogéniques.
Un monde entre les différents sous-types
Pour ce travail, les chercheurs se sont intéressés à 135 souches de Fn : 80 issues de la cavité buccale d’individus sains et 55 issues de tumeurs colorectales venant de 51 patients. Une analyse pangénomique a identifié 485 facteurs génétiques associés au cancer colorectal. Première précision : les souches tumorales isolées appartiennent principalement à un sous-type, le Fn animalis. Deuxième découverte : il n’existe pas qu’un seul sous-type mais deux, le clade 1 (C1) et le clade 2 (C2). Et seul le clade 2 est dominant au sein des tumeurs, les scientifiques ayant même identifié 195 facteurs génétiques de Fna C2 associés à un potentiel métabolique et à une colonisation du tube digestif ; une observation confirmée dans une expérience chez la souris.
« Les souches bactériennes sont tellement proches sur le plan phylogénétique que nous pensions que c’était la même chose, mais maintenant on voit la différence énorme d’abondance relative dans les tumeurs par rapport à la cavité orale », explique Christopher Johnston, chercheur microbiologiste et co-auteur correspondant.
Cibler ce sous-type chez les personnes à risque élevé de cancer agressif
Les chercheurs ont ensuite montré qu’au sein de la tumeur de 116 patients ayant un cancer colorectal, le microbiote était enrichi en Fna C2, ce qui n’était pas le cas dans 62 prélèvements de tissus sains. Une observation retrouvée à l’analyse métagénomique du microbiote intestinal chez 627 patients ayant un cancer colorectal et 619 témoins.
« Nous avons trouvé ici qu’un sous-type spécifique de ce microbe est responsable de la croissance tumorale. Cela suggère que des thérapeutiques et un dépistage ciblant ce sous-type au sein du microbiote aideraient les personnes à risque élevé de cancer colorectal agressif », explique Susan Bullman, chercheuse spécialiste du microbiote au Fred Hutch Cancer Center and co-autrice correspondante. Dans le papier, les chercheurs évoquent ainsi le développement d’inhibiteurs ciblés contre cette souche virulente. Mais les deux leaders de l’étude vont plus loin encore en avançant l’idée de mettre au point une thérapie cellulaire qui utiliserait des souches bactériennes modifiées afin de délivrer les médicaments au sein des tumeurs.
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