« C’est l’une des premières études dans laquelle un criblage non biaisé de médicaments et une analyse en groupements permettent d’identifier des agents thérapeutiques utiles pour traiter des sous-types spécifiques de LAM, dans le cas présent la LAM LT3-ITD, précise au « Quotidien » le Pr Anska Leung de l’université de Hong Kong (Chine). Ceci établit un nouveau paradigme pour le traitement de la LAM récidivante ou réfractaire, un cancer au sombre pronostic », ajoute-t-il. L’étude est publiée dans « Science Translational Medicine ».
Les leucémies aiguës myéloïdes (LAM) affectent majoritairement les plus de 60 ans et difficiles à traiter. Le traitement standard, par chimiothérapie avec ou sans allogreffe, permet d’obtenir une rémission à long terme chez moins de 30 % des patients.
Une meilleure compréhension des mutations et des mécanismes biologiques en jeu a ouvert la voie aux thérapies ciblées, avec l’espoir de meilleurs résultats thérapeutiques.
Ainsi, une mutation du gène FLT3, consistant en une duplication interne en tandem (ITD), est impliquée dans 30 % des LAM, et définit un sous-type de mauvais pronostic car peu sensible aux traitements conventionnels. Le gène FLT3 (fms-like tyrosine kinase) encode un récepteur tyrosine kinase exprimé par les progéniteurs hématopoïétiques. Des inhibiteurs de la tyrosine kinase FLT3 (sorafenib, midostaurin, quizatinib) évalués en monothérapie chez les patients ont toutefois donné des réponses décevantes, de trop courte durée.
Une plateforme de criblage
L’équipe du Pr Leung, incluant le Pr Jérôme Tamburini de l’Institut Cochin et de la Faculté de médecine Paris Descartes, en quête d’un traitement personnalisé pour la LAM, ont développé une plateforme de criblage pour tester 25 médicaments sur une centaine d’échantillons de LAM, obtenus au moment du diagnostic ou d’une rechute.
Ce test in vitro a montré que l’homoharringtonine (omacetaxine mepesuccianate) exerce un effet anti-leucémique principalement dans la LAM FLT3-ITD, en synergie avec les inhibiteurs FLT3, et cet effet est médié par l’inhibition de la synthèse des protéines.
L’homoharringtonine (HHT) est un alcaloïde issu d’un rare conifère chinois (Cephalotaxus) et utilisé depuis plusieurs décennies en Chine pour traiter la LAM. Il est maintenant produit par hémisynthese (omacetaxine mepesuccianate) et a été approuvé par la FDA (2012) pour traiter la leucémie myéloïde chronique réfractaire. L'HTT administré en monothérapie dans la LAM donne des taux de rémission complète de seulement 10 à 20 %.
Il restait à savoir si l’efficacité synergique in vitro serait confirmée chez les patients.
Dans un essai de phase 2, l’association sorafenib et HHT a été évaluée chez 24 patients atteints de LAM LT3-ITD, soit en rechute ou réfractaires au traitement (n = 22 ; 5 avaient déjà reçu des inhibiteurs de tyrosine kinase), soit non candidats à la chimiothérapie d’induction en raison d’un âge avancé ou de comorbidités (n = 2). Des patients au pronostic très sombre.
La bithérapie (S + HHT) a produit une rémission complète chez 20 des 24 patients (83 %), et des survies moyennes sans leucémie et globales de 3 et 8 mois, respectivement. Ce traitement a permis à 5 patients de survivre le temps de recevoir une allogreffe réussie. Une femme de 76 ans qui était en rechute est restée en rémission pendant un an et demi. Enfin, la tolérance est bonne, y compris chez les sujets âgés.
« Cette étude valide le principe et l’utilité clinique du test in vitro et identifie un meilleur traitement pour la LAM FLT3-ITD », concluent les auteurs.
Un essai de phase 2/3 est prévu pour evaluer des inhibiteurs FLT3 plus puissants associés à l’HTT. Le prochain objectif : utiliser la plateforme pour prédire l’efficacité de nouveaux agents thérapeutiques dans d’autres sous-types de LAM. « Le criblage pharmacologique in vitro devrait être intégré dans tous les essais cliniques évaluant des traitements expérimentaux », estime le Pr Leung.
Science Translational Medicine, Lam et coll.
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