Les cancers de vessie avancés (tumeurs inopérables ou formes métastatiques) sont traités habituellement par une chimiothérapie de première ligne à base de platine. Mais son efficacité n’est pas toujours durable et on observe pratiquement toujours une rechute de la maladie dans un délai variable. Une immunothérapie est alors prescrite en deuxième intention si la sévérité de la progression et l’atteinte de l’état général le permettent. Cette dernière n’est pas toujours possible en raison de la rapidité de la progression de la maladie. L’objectif de l’étude JAVELIN Bladder 10 (1) était donc d’évaluer l’impact d’une immunothérapie de maintenance après stabilisation de la maladie par la chimiothérapie.
Les 700 patients inclus dans cet essai de phase III devaient avoir un cancer localement étendu non résécable ou une tumeur métastatique. Ils devaient avoir répondu à quatre ou six cycles de gemcitabine associée à un sel de platine (cisplatine ou carboplatine), avec soit une réponse complète, soit une réduction de la tumeur, soit une stabilisation de la maladie, ce qui concernerait 70 % des patients. Tous bénéficiaient d’une surveillance et du traitement de support habituels, la moitié recevant en plus un anti-PD-L1, l’avelumab (10 mg/kg en IV toutes les deux semaines). Le critère principal de l’étude était la survie globale (SG) dans toute la cohorte et chez les patients exprimant PD-L1 (51 % des cas). Les critères secondaires comportaient la survie sans progression (SSP), la réponse thérapeutique et la tolérance. L’avelumab était arrêté en cas de progression de la maladie, d’intolérance ou du refus du patient de poursuivre. Le suivi médian était de 19 mois.
Une réduction de 31 % du risque de décès
Avec l’avelumab, la survie globale a été significativement améliorée de 31 % (HR = 0,69, p = 0,0005) dans la cohorte globale, avec une médiane de survie de 21,4 mois (vs 14,3 mois sous placebo). Cet avantage se confirmait dans tous les sous-groupes. Le bénéfice était encore plus net chez les patients exprimant PD-L1, avec une SG augmentée de 44 % (médiane de SG non atteinte pour l’avelumab vs 17,1 mois sous placebo, p = 0,0003). « L’étude JAVELIN Bladder 100 a parfaitement atteint l’objectif primaire avec une amélioration significative de la survie globale grâce au traitement de maintenance par avelumab. Aucune étude n’avait apporté un bénéfice sur la survie globale en première ligne de traitement depuis longtemps, ce qui va très vraisemblablement modifier la stratégie thérapeutique de ces cancers de la vessie localement avancés ou métastatiques », se félicite le Dr Yohann Loriot, onco-urologue à Gustave Roussy et co-signataire de l’étude.
Un bénéfice quel que soit le statut PD-L1
Tous les autres paramètres d’évaluation sont en faveur de l’avelumab qu’il s’agisse du taux de contrôle de la maladie (41,1 % vs 27,4 % dans la cohorte globale, 43,9 % 27,8 % chez les PD-L1+) ou de la réduction du risque de progression, respectivement de 38 % (SSP cohorte globale : 3,7 vs 2 mois, p < 0,001) et 44 % (SSP des PD-L1+ : 5,7 vs 2,1 mois, p < 0,001).
Même si le gain est supérieur chez les patients exprimant PD-L1, l’avelumab se révèle très efficace chez ceux qui ne l’expriment pas. D’ailleurs, le statut PD-L1 n’aurait pas de valeur prédictive thérapeutique majeure pour les traitements de deuxième intention du cancer de la vessie.
Majoritairement gérables, des effets indésirables (EI) sous avalumab étaient rapportés dans 98 % des cas (vs 77,7 % sous placebo), avec 47,4 % (vs 25,2 %) d’EI de grade ≥3. Les plus fréquents étaient les infections urinaires, l’anémie, l’hématurie, la fatigue et les douleurs lombaires.
Un certain nombre de questions restent cependant en suspens concernant cette étude : quelle est la durée optimale du traitement ? Et surtout pourra-t-on maintenir au long cours une survie sans progression chez certains patients ?
Une stratégie thérapeutique en pleine évolution
En Amérique du Nord et en Europe, l’immunothérapie a été approuvée en première ligne chez les patients non éligibles à la chimiothérapie classique par cisplatine, d’après des données d’études de phase II uniquement. Mais elle n’a actuellement pas cette indication en France. En effet, il n’existe pas vraiment d’éléments robustes permettant de comparer l’immunothérapie seule et la chimiothérapie en première ligne. Une seule étude, pour laquelle on dispose de résultats, semble indiquer un bénéfice avec l’atézolizumab en monothérapie, mais uniquement dans les tumeurs exprimant le PD-L1 et sans argument statistique irréfutable.
Dans le cancer de la vessie, cinq immunothérapies aux États-Unis et trois en Europe sont approuvées en deuxième ligne et toutes sont évaluées en première ligne. L’étude JAVELIN est la première à montrer un impact sur la survie globale. En effet, l’étude DANUBE évaluant une combinaison de deux immunothérapies (durvalumab avec ou sans tremelimumab vs chimiothérapie) s’est révélée négative, et l’essai KEYNOTE 361 (pembrolizumab plus chimiothérapie vs chimiothérapie) a échoué sur le critère principal, la survie globale. L’étude IMvigor 130, a montré une amélioration de la SSP grâce à la combinaison d’une chimiothérapie et de l’atezolizumab, mais actuellement sans bénéfice significatif en SG. « Actuellement, c’est le concept d’une immunothérapie en traitement de maintenance qui est la plus efficace » conclut le Dr Loriot.
En situation adjuvante, l’étude IMvigor 010, présentée aussi à l’ASCO, évaluait l’atezolizumab (vs la surveillance standard) dans les cancers de la vessie infiltrants après résection chirurgicale. Elle n’a pas montré de bénéfice sur la SSP. D’autres études de phase III sont en cours dans cette situation.
D’après un entretien avec le Dr Yohann LORIOT, onco-urologue à Gustave Roussy.
(1) Powles T. et al, Plenary Session, J Clin Oncol 38: 2020 (suppl; abstr LBA1)
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