Environ 50 % des patients traités par chimiothérapie pour une tumeur germinale du testicule métastatique, non séminomateuse (TGNS) ou séminomateuse (TGS), présentent une lésion résiduelle, le plus souvent rétropéritonéale. Celle-ci possède un potentiel évolutif dans 40 % des cas car elle enferme un contingent de tératome (chimiorésistant) ou de tumeur germinale active (1).
L’exérèse chirurgicale de ces masses résiduelles fait partie intégrante de la stratégie multimodale permettant aujourd’hui de porter le taux de survie des formes métastatiques de bon pronostic à plus de 80 % à 10 ans. Cette chirurgie d’exérèse compartimentale, intégrant volontiers une approche multidisciplinaire, exige les compétences de centres experts.
Quand recourir au curage rétropéritonéal ?
Le curage, ou lymphadénéctomie, rétropéritonéal trouve sa place lorsque la chimiothérapie a contrôlé la maladie sur le plan morphologique (régression scanographique) et biochimique (négativation ou stabilisation en plateau des marqueurs tumoraux AFP, HCG totales et LDH).
Concernant les TGNS, il est indiqué en cas de lésion de mesure axiale supracentimétrique. Cette indication peut être étendue aux adénopathies < 1 cm en cas de tératome majoritaire sur la pièce d’orchidectomie, qui fait courir un risque de résidu chimiorésistant dans le rétropéritoine (2). La chirurgie doit intervenir rapidement après la chimiothérapie car, différée à progression, ses résultats carcinologiques sont considérablement péjorés.
Pour les séminomes (TGS), le curage rétropéritonéal est indiqué pour les masses > 3 cm et caractérisées comme hypermétaboliques par un TEP 18FDG. Sinon, les masses résiduelles de séminomes requièrent une surveillance étroite par scanner et dosage des marqueurs sériques. L’évaluation des seminomes doit être réalisée à distance (3 mois) de la fin de la chimiothérapie, permettant à la réaction desmoplastique de régresser. Enfin, l’évaluation d’une masse résiduelle de séminome > 3 cm est la seule indication de réalisation d’un TEP 18FDG (3).
Une procédure technique
La laparotomie (médiane xypho-ombilicale ou bi sous-costale) est la voie d’abord de référence permettant un contrôle sécurisé vis-à-vis des gros vaisseaux, aortique et cave. Pour autant, plusieurs expériences de chirurgies mini-invasives, notamment robot-assistées, ont démontré la faisabilité de ces curages pour des masses résiduelles de volume limité (4).
Le geste consiste en l’exérèse des tissus ganglionnaires, incluant les masses macroscopiquement visibles, dans un espace rétropéritonéal limité latéralement par les deux uretères, en haut par les pédicules rénaux, en bas par l’arche iliaque commune. Ce territoire définit le curage bilatéral complet, qui satisfait aux exigences carcinologiques mais s’accompagne d’une morbidité à type d’anéjaculation, par lésion du système nerveux sympathique lombaire, dans 75 % des cas. La réduction de ce territoire de curage sur un mode unilatéral, permet de réduire ces troubles de l’éjaculation chez de jeunes patients à 20 %. Cependant, elle doit être réservée à des patients sélectionnés, porteurs de masses résiduelles < 5 cm et homolatérales par rapport à l’atteinte testiculaire initiale (5), afin de conserver une validité carcinologique (voir photo).
Des gestes complémentaires ?
Le principal critère qualité de cette chirurgie est le caractère complet de la résection, dans un territoire de drainage donné, excluant absolument la réalisation de « boulectomie ». L’exérèse d’organes adjacents est nécessaire dans 20 % des cas. Ces gestes complémentaires urologiques (néphrectomie), vasculaires (remplacement aortique, résection cave) ou digestifs doivent être anticipés par une planification préopératoire rigoureuse et affirment le caractère multidisciplinaire de ces procédures. Les complications spécifiques de cette chirurgie (ascite chyleuse, ileus prolongé ou insuffisance rénale aiguë) concernent moins de 10 % des cas (6).
Les masses résiduelles situées en dehors du rétropéritoine doivent également faire l’objet d’une exérèse, volontiers asynchrone. Concernant la localisation thoracique, la plus fréquente, le taux de discordance histologique entre le rétropéritoine et les poumons imposent de réaliser une résection chirurgicale de l’ensemble des lésions localisées à un champ pulmonaire quelques semaines après le curage rétropéritonéal. En cas d’atteinte bilatérale, la bonne concordance histologique entre les deux champs permet de surseoir à une exploration chirurgicale controlatérale en cas de lésion fibreuse (7).
Les localisations plus exceptionnelles (foie, os, cerveau) font l’objet de stratégies individualisées complexes, faisant appel à la chirurgie, aux traitements ablatifs (radiofréquence) ou à la radiothérapie. Après résection de nécrose ou de tératome, aucun traitement spécifique adjuvant n’est requis. En cas de tumeur active au sein du spécimen de lymphadénectomie, la chimiothérapie de consolidation est discutée, notamment si plus de 10 % du spécimen est envahi ou si le caractère complet de la résection est douteux (8).
Service de chirurgie urologique, hôpital Saint-Joseph (Paris)
[1] Heidenreich A et al. Expert Rev Anticancer Ther. 2019 Apr;19(4):291-300
[2] Murez T et al. Prog Urol. 2018 Nov;28 Suppl 1:R149-R166
[3] Treglia G et al. BioMed Res Int 2014;2014:852681.
[4] Klaassen Z et al. Urol Clin North Am. 2019 Aug;46(3):409-417.
[5] Heidenreich A et al. Eur Urol. 2009 Jan;55(1):217-24.
[6] Gerdtsson A et al.Eur Urol Oncol. 2020 Jun;3(3):382-389.
[7] Masterson TA et al. Urology. 2012 May;79(5):1079-84.
[8] Fizazi K et al. Ann Oncol. 2008 Feb;19(2):259-64
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