Le dosage de PSA en population générale fait toujours débat. Mais chez des hommes âgés de plus de 70 ans asymptomatiques, aucune recommandation nationale, ou issue de Société savante, n'est favorable à un dépistage dans ce type de population.
Des recommandations claires après 70 ans
Après avoir souligné en 2018 le manque d'évidences du bénéfice chez les sujets de 70-75 ans, la dernière version des recommandations de l'US Preventive Services Task Force (USPSTF) a déconseillé aux États-Unis ces dosages de PSA de dépistage, indépendamment de l'âge. Pour leur part, l'Association américaine d'urologie (UA) et le Collège américain de médecine (ACP) déconseillent le dépistage par PSA chez les hommes de plus de 70 ans, et/ou ayant une espérance de vie inférieure à 10-15 ans. En effet, le rapport bénéfice/risque n'est pas bon, notamment en raison des faux positifs, des biopsies invasives, du risque de surdiagnostics et de surtraitements associés.
En France, les positions sont globalement équivalentes. La Haute Autorité de santé (HAS) ne préconise pas ce dépistage. « À ce jour, il n’y a pas de démonstration robuste du bénéfice d’un dépistage du cancer de la prostate par dosage de PSA en population générale, en termes de diminution de la mortalité ou d’amélioration de la qualité de vie. Et aucun programme de dépistage n’est recommandé en population générale, en France comme aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande ou au Royaume-Uni », rappelle le rapport HAS (2).
L'association française d'urologie (AFU), qui recommandait depuis 2013 une détection précoce individualisée associée à une information éclairée, a récemment modulé ses préconisations. Dans ses dernières recommandations de 2020-2022, l'AFU reconnaît en effet qu’« en population générale, le bénéfice d’un dépistage n’a pas été strictement prouvé ». L'AFU reste toutefois favorable à un dépistage individualisé, mais pas chez les hommes ayant une survie estimée inférieure à 10 ans (3).
Plus de 40 % de tests réalisés en 2018
Pour ausculter les pratiques, des chercheurs américains en santé publique ont extrait d'une base de données près d'un million d'hommes de plus de 70 ans, participant au programme de prise en charge Medicare Advantage, et ayant consulté au moins une fois entre 2016 et 2018. Leurs résultats sont confondants. « Au total, 38 % de ces hommes asymptomatiques de plus de 70 ans ont eu un dosage de PSA dans l'année. Ce taux s'est même envolé. On est passé de 29 % de dosages en 2016, à 38 % en 2017, et 42 % en 2018, soulignent les auteurs. Selon la régression multivariée, ceux ayant eu un dosage de PSA sont en moyenne plus jeunes, plus souvent hispaniques ou asiatiques (plutôt que blancs ou noirs). Ils ont moins de comorbidités, recourent plus fréquemment au système de santé (mais avec un niveau de coût plus bas) et vivent plus souvent dans un état du Sud ». Les plus de 85 ans ont ainsi quatre fois moins de chance d'être testés que les 70-74 ans. Par ailleurs, les sujets consultant le plus (quintile max) ont presque deux fois plus de chances d'être testés, que ceux consultant le moins (quintile min).
« Ces dosages de PSA de dépistage, réalisés chez les plus de 70 ans asymptomatiques, sont pour certains associés à une « cascade » d'explorations et de traitements… Le coût moyen de cette « cascade » croît entre 2016 et 2018, pointent les auteurs. Globalement, durant cette période, le coût lié à ces dépistages infondés est revenu en moyenne à sept dollars par patient : un dollar pour le test lui-même et six dollars d'investigations supplémentaires dans certains cas. Aucun bénéfice, en termes de santé, n’a été observé pour les hommes dépistés, comme l'atteste le suivi à un an ».
(1) Kim DD et al. Low-Value Prostate-Specific Antigen test for prostate cancer screeningand subsequent health care utilization and spending. JAMA Network Open 2022;5(11):e2243449. doi:10.1001/jamanetworkopen.2022.43449
(2) Cancer de la prostate : identification des facteurs de risque et pertinence d’un dépistage par dosage de l’antigène spécifique prostatique (PSA) de populations d’hommes à haut risque ? HAS février 2012
(3) Rozet F et al. French ccAFU-guidelines update 2020-22 : prostate cancer. Progrès en urologie 2020; 30, S136-S251.
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