PAR LE Pr LAURENT MISERY *
FENG H. ET COLL. (Science 2008;319:1096-100) ont détecté des séquences d’ADN complémentaire non humain par la technique de soustraction numérisée du transcriptome. Ils ont mis en évidence un transcrit correspondant à la fusion entre une séquence de polyomavirus et celle de la tyrosine phosphatase humaine (type récepteur). En utilisant un ensemble complexe de techniques sur plusieurs tumeurs, ces auteurs ont pu ensuite identifier la séquence complète d’un génome viral qui était intégré dans l’ADN de six tumeurs sur huit. Le type d’intégration, observé sur différents sites chromosomiques, suggère que l’infection virale précède probablement l’expansion clonale des cellules cancéreuses. Afin de vérifier le rôle causal du virus dans le carcinome de Merkel, l’équipe de Pittsburgh a recherché les séquences virales dans de la peau saine et pathologique. Le génome viral a été retrouvé dans huit tumeurs de Merkel sur dix (et dans un ganglion métastatique analysé chez un patient), alors qu’il n’était jamais retrouvé dans les 84 peaux saines testées. Les auteurs proposent de nommer ce nouveau virus Merkel Cell Polyomavirus (MCV ou MCPyV).
Les polyomavirus sont des virus à ADN responsables de nombreuses maladies (dont des cancers) chez divers animaux. Chez l’homme, seuls quatre polyomavirus avaient été décrits jusqu’à présent : le virus BK, responsable d’une néphropathie chez les transplantés ; le virus JC, cause de la leuco-encéphalite multifocale progressive chez les immunodéprimés (sida essentiellement) ; les virus KI et WU ont été découverts dans le tractus respiratoire humain en 2007 et leur rôle pathogène n’est pas encore connu. Phylogénétiquement, le MCV est proche de polyomavirus lymphotropiques de la souris et du singe vert.
Le MCV est-il vraiment la cause du carcinome de Merkel ?
C’est probable car le MCV possède la protéine T, qui a des propriétés transformantes et immortalisantes chez d’autres polyomavirus, mais les effets de la protéine T spécifique du MCV ne sont pas encore démontrés. Le MCV est-il impliqué dans tous les carcinomes de Merkel ou seulement dans une sous-population ? Plusieurs travaux, issus de différents pays dont la France, ont confirmé les résultats américains et montré que toutes les tumeurs n’exprimaient pas le génome viral mais que c’était en général le cas. Le MCV est-il un co-facteur ou véritablement l’agent causal ? Quelle est la place de l’immunosuppression dans la génèse du cancer ou sa croissance ? Ces questions ne sont pas encore résolues.
Cette découverte est de grande importance et ouvre des perspectives insoupçonnées jusqu’alors dans la conception de la cancérogénèse, et peut-être un jour la thérapeutique, du carcinome de Merkel, mais aussi d’autres cancers voisins, comme le cancer du poumon à petites cellules ou l’esthésioneuroblastome. S’il se confirme que le carcinome de Merkel est bien viro-induit, ce qui est hautement probable, se pose alors la question de la contagiosité ou même du risque carcinogène pour le dermatologue. A priori, il semble que l’on puisse être assez rassurant, car la mutation qui serait à l’origine de la transformation maligne de cellules humaines serait aussi responsable d’une inhibition de la prolifération virale. Et des cofacteurs semblent nécessaires. Une autre question est la présence de ce virus dans d’autres tumeurs cutanées. Il n’a pas été retrouvé dans les mélanomes et exceptionnellement dans des carcinomes ou des kératoses actiniques. En tous les cas, voici un nouveau champ passionnant pour la recherche dermatologique dans les prochaines années.
*Chef du service de dermatologie-allergologie-vénérologie, CHU de Brest
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