Environ 10 % des cancers de la prostate (CP) sont diagnostiqués d'emblée métastatiques, avec une espérance de vie restée longtemps mauvaise (le traitement de référence étant la privation androgénique dans les formes hormonosensibles). Les traitements ont rapidement évolué : en 2015 les études STAMPEDE, LATITUDE et CHAARTED montraient que l’association du docétaxel améliorait la survie globale (SG). Puis en 2017, une hormonothérapie de nouvelle génération, l’abiratérone, associée à la privation androgénique permettait d’augmenter la survie sans progression (SSP) et la SG de manière très nette. Parallèlement, le recours à une radiothérapie dirigée contre la tumeur primitive a montré qu’elle améliorait la survie dans les formes pauci-métastatiques. Mais faut-il associer tous ces différents traitements ou se limiter à deux ? L'essai PEACE-1 s’est donné pour objectif de répondre…
Une vaste étude européenne
Menée dans sept pays européens et coordonnée par Unicancer, l’étude PEACE-1 a inclus 1 173 patients. Ils recevaient tous le traitement de référence préconisé, hormonothérapie traditionnelle associée ou non au docétaxel (la majorité recevait les deux), puis étaient ensuite randomisés en quatre groupes : traitement standard seul, ou associé à l’abiratérone, ou à la radiothérapie ou à la radiothérapie plus l’abiratérone. Les patients inclus devaient avoir au moins une métastase osseuse au scanner ou à l’IRM : 81 % avaient uniquement des métastases osseuses, 12 % associées à des métastases viscérales et 8 % à des métastases ganglionnaires. Environ deux tiers des patients présentaient un important volume métastatique.
Les patients traités par radiothérapie étant moins sévères, un suivi plus long sera nécessaire pour connaître son impact exact. Les résultats présentés à l’ESMO n’ont donc porté que sur les deux premiers bras de l’étude.
Des résultats spectaculaires
Les critères primaires d’évaluation étaient la SSP radiographique (rSSP) et la SG.
La triple thérapie (privation androgénique, docétaxel et abiratérone) apporte un bénéfice spectaculaire sur la rSSP, avec un gain de deux ans et demi, « ce qui n’est pas négligeable et signifie aussi un gain en termes de qualité de vie », insiste le Pr Fizazi. Avec un suivi médian de 3,8 ans, elle a amélioré de 50 % la rSSP (2 ans dans le bras traitement standard versus 4,5 ans en associant l’abiratérone, HR = 0,50, p < 0,0001). Le bénéfice sur la rPFS était encore plus marqué chez les patients ayant un important volume métastatique avec une médiane passant de 1,6 an à 4,1 ans dans le bras abiratérone (HR = 0,47, p < 0,0001).
Divulguée pour la première fois à l'ESMO, la SG est également significativement allongée. La médiane de survie passe de 4,7 ans à 5,7 ans (HR = 0,82, p = 0,030) dans la cohorte globale. Dans le groupe ayant reçu le docétaxel en plus de l’hormonothérapie standard, elle n’est pas atteinte en cas d’association à l’abiratérone (versus 4,4 ans avec l’hormonothérapie classique, HR = 0,75, p = 0,017). Le risque de décès est ainsi réduit de 25 % en ajoutant l’abiratérone. Le bénéfice est retrouvé dans tous les sous-groupes, y compris dans les formes les plus graves avec de nombreuses métastases osseuses et parfois des localisations au niveau hépatique et pulmonaire. Dans ce sous-groupe, les médianes de survie sont atteintes et la SG passe de 3,5 ans à plus de 5 ans (HR = 0,72). Les données sur la SG sont immatures pour les formes avec un faible volume métastatique en raison du petit nombre d'événements.
Si on replace ces données de survie dans le contexte des études précédentes, on mesure le chemin parcouru : une survie de 33 à 35 mois sous privation androgénique seule, de 40 à 48 mois en association avec le docétaxel, de 50 à 56 mois en association à l’abiratérone et 61 mois avec la triple thérapie.
Vers un futur standard de soin
La tolérance de la triple association est très bonne et l’adjonction de l’abiratérone n’aggrave pas la toxicité de la chimiothérapie, qui serait au contraire mieux tolérée. Les évènements indésirables (EI) sont ceux classiquement attendus.
Concernant les EI sévères (grade 3 à 5), ils sont identiques avec ou sans l’abiratérone pour la neutropénie. Par contre, ils sont un peu plus fréquents sous abiratérone pour les atteintes hépatiques (6 % versus 1 %), l’hypertension artérielle (22 % versus 13 %) ou l’hypokaliémie, mais ils peuvent être aisément prévenus et traités.
« Ces résultats doivent amener à changer nos pratiques et à adopter ce triplet thérapeutique, au moins pour les CP d’emblée métastatiques avec un gros volume de métastase, conclut le Pr Fizazi. D’autant que deux de ces médicaments sont génériqués depuis longtemps et peu coûteux. Quant à l’abiratérone, elle est maintenant génériquée dans le reste du monde et devrait le devenir l’an prochain en France ». Il reste à définir quelle est la meilleure combinaison de ces traitements systémiques avec la radiothérapie, en particulier chez les patients avec peu de métastases nécessitant un plus long suivi.
(1) Fizazi K et al. ESMO 2021, Abstr LBA5_PR
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