Tumeurs prostatiques

Vers de nouvelles stratégies thérapeutiques

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Publié le 20/11/2020
Nouvelles hormonothérapies plus précoces, thérapie personnalisée chez les sujets BRCA 2/1, ciblage PMSA... De nombreuses avancées viennent aujourd'hui améliorer le pronostic des cancers de la prostate. Décryptage avec le Pr Karim Fizazi, Gustave Roussy (Villejuif).
 Premier cancer masculin avec près de 50 000 cas/an en France

Premier cancer masculin avec près de 50 000 cas/an en France
Crédit photo : phanie

« L'incidence du cancer de la prostate reste difficile à préciser tant elle dépend des stratégies et capacités de dépistage », rappelle le Pr Fizazi. C'est ainsi qu'après avoir augmenté dans les années 2000, elle est descendue pour remonter avant de se stabiliser. « Quoi qu'il en soit, c'est toujours le premier cancer masculin avec près de 50 000 cas/an en France selon l'INCa. Si le pronostic est excellent dans les formes localisées (95 % de survie à 5 ans), il reste assez péjoratif dès qu'on sort des tumeurs localisées. En effet, à 5 ans on n'est à guère plus de 50 % de survie dans les formes métastatiques. Des avancées pronostiques sont donc nécessaires. En la matière, l'année 2019-20 a apporté pas mal d'espoirs : utilisation plus précoce des nouvelles hormonothérapies, traitement personnalisé anti-BRCA, ciblage de l'antigène PSMA surexprimé dans les tumeurs de mauvais pronostic… Autant d'options et de pistes thérapeutiques qui devraient faire bouger les lignes », selon le Pr Fizazi.

Vers un usage plus précoce de l'hormonothérapie de 2e génération 

« Depuis 3 ans, on se dirige vers un recours plus précoce à l'hormonothérapie de seconde génération, comme l'abiratérone », résume le Pr Fizazi. Ce traitement a prouvé il y a 10 ans son efficacité chez des patients en échec aux autres traitements avec un bénéfice limité. Aujourd'hui, il apporte en usage plus précoce un bénéfice bien plus intéressant. Dans les tumeurs d'emblée métastatiques, comme dans les cancers non métastatiques mais à haut risque, l'abiratérone améliore en effet la survie globale (SG) de plusieurs années. Mais elle pourrait aussi être intéressante en traitement néoadjuvant ou adjuvant. Les études, en cours, le diront. De plus, le suivi à plus de 6 ans de l'étude STAMPEDE, menée en addition d'un traitement par suppression androgénique dans les cancers hormonosensibles métastatiques à haut risque nouvellement diagnostiqués, est venu récemment confirmer le bénéfice de l'acétate d'abiratérone, avec une SG de 6,6 ans versus 3,8 ans sous placebo et une réduction de 40 % du risque de décès à 6 ans (1). L'abiratérone a ainsi reçu l'AMM européenne dans les formes métastatiques hormonosensibles à haut risque nouvellement diagnostiquées chez les hommes adultes.

Les anti-PARP en cas de mutations BRCA2/1 

Globalement 15 % des hommes développant un cancer de la prostate sont porteurs d'une mutation BRCA 2 (le plus souvent), voire BRCA 1. Des mutations le plus souvent somatiques (2/3) mais aussi tumorales (1/3). Or, chez ces patients, les inhibiteurs de PARP tel que l'olaparib sont efficaces. Cette année, de nouvelles données sur la SG sous olaparib, dans les cancers métastatiques résistants à la castration, sont venues illustrer cette activité. Dans l'étude PROfound comparant l'olaparib à une nouvelle hormonothérapie, la SG atteint 19 mois versus 14 mois, chez les patients BRCA2/1 et ATM, avec une bonne tolérance notamment hématologique (2, 3).

Ciblage du PSMA, prometteur dans les tumeurs à haut risque

Le PSMA est une protéine transmembranaire très fortement exprimée dans les cancers prostatiques graves en échec de traitement. Considérée comme une nouvelle piste thérapeutique, elle a donné lieu à de nombreux travaux ces dernières années. Les PET-scans ciblant le PSMA, bien développés à l'international alors que la France est très en retard, ouvrent déjà de nouvelles perspectives concernant le diagnostic (bilan d'extension). Par ailleurs, une radiothérapie ciblée, PSMA lutétium (LuPSMA), ouvre des perspectives en thérapeutique. Inventée en Allemagne, elle a en effet déjà donné de bons résultats. Présentée cette année à l'ASCO, l'étude de phase II TheraP, menée chez 200  patients en échec de tout traitement (après abiratérone et taxane), suggère qu'elle est plus efficace que la meilleure chimiothérapie (cabazitaxel) [4]. Le taux de sujets ayant vu leur PSA décliner de plus 50 % était de 66 % dans le bras LuPSMA vs 37 % sous cabazitaxel, soit une amélioration en valeur absolue de 30 % du taux de réponse. Les résultats de la phase III en cours testant ce LuPSMA, radio-isotope couplé à un ligand de PSMA, sont du coup très attendus.

Un autre moyen de cibler le PSMA a plus récemment été exploré. Il s'agit d'une immunothérapie intelligente associant le ciblage du PSMA, antigène tumoral, et du CD3, antigène lymphocytaire (LT). L'AMG-160, anticorps bi-spécifique ciblant PSMA et CD3 vise à rapprocher les lymphocytes T des cellules tumorales. L'étude de phase I présentée à l'ESMO a mis en évidence une réduction du PSA sur la moitié des 40 patients inclus dans l'essai (5), soit un taux de réponse prometteur vu le profil des patients inclus.

D'après un entretien avec le Pr Karim Fizazi, Gustave Roussy (Villejuif)
(1) James N et al. ESMO 2020, Abst 611O
(2) De Bono J et al. ESMO 2020, Abst 610O
(3) De Bono J. NEJM 2020;382:2091-2102
(4) Hofman MS et al. ASCO 2020, Abst 5500
(5) Tran B et al. ESMO 2020, Abst 609O

Pascale Solere

Source : lequotidiendumedecin.fr