Vers un recours à l’immunothérapie avant la chirurgie

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Publié le 14/10/2022
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Certaines tumeurs, sensibles à l’immunothérapie au stade métastatique, répondent de façon spectaculaire en néoadjuvant. Si ces résultats se confirment, cela pourrait amener à de nouveaux standards de prise en charge et permettre une désescalade thérapeutique, en limitant les interventions.
L’efficacité dépend aussi du moment où le traitement est administré

L’efficacité dépend aussi du moment où le traitement est administré
Crédit photo : phanie

Parmi les nombreux essais menés dans les cancers localisés, trois études, dont deux présentées en session présidentielle, attirent l’attention sur l’efficacité des inhibiteurs de PD1/PDL1 en néoadjuvant, dans le cancer colorectal (CCR) ou les tumeurs cutanées. 

Cancer colorectal : près de 100 % de réponses

L’étude NICHE-2 est la première à mettre en évidence un taux de réponse aussi prometteur dans les CCR (1), avec instabilité microsatellitaire liée à une défaillance du système de réparation de l'ADN (MSI/dMMR), traités par une immunothérapie néoadjuvante (ce que suggéraient déjà les résultats de NICHE-1 sur 12 personnes). Les patients étaient atteints d’un CCR localisé avancé (77 % de stade III à haut risque et 64 % de tumeurs T4), dont le risque de récidive est de plus de 40 % malgré une chimiothérapie adjuvante dans les trois ans après chirurgie. Les participants ont été traités, en préopératoire, par l’association ipilimumab (anti-CTLA-4) et nivolumab (anti-PDL1). Il a été observé 99 % de réponses histologiques (106 patients sur 107), avec 95 % de réponses pathologiques (RP) majeures (tumeur viable ≤ 10 %) et 67 % de RP complètes. Aucune récidive de la maladie n’a été observée après un suivi médian de 13 mois. « Les premières données de survie suggèrent que l'immunothérapie en néoadjuvant pourrait devenir le standard thérapeutique dans ce type de CCR, et remettre en question la nécessité d’une résection chirurgicale », se félicite la Dr Myriam Chalabi (Pays-Bas).

Quant à la tolérance, les événements indésirables sévères (grade 3-4) ont été observés chez trois patients. Seuls trois sujets ont vu leur chirurgie retardée. 

Mélanomes : traiter plus tôt par pembrolizumab

Le traitement adjuvant, par un anti-PD1 ou une thérapie ciblée, est actuellement envisagé après chirurgie dans les mélanomes de stade IIB-III et certains stades IV. L’hypothèse de l’étude SWOG S1801 est que la réponse tumorale pourrait être plus importante en instaurant le pembrolizumab en préopératoire.

Cet essai de phase II a inclus 313 personnes atteintes de mélanomes de stade IIIB-IV résécables, sans métastases cérébrales. Les patients recevaient du pembrolizumab, soit en néoadjuvant (trois doses avant la chirurgie et 15 doses après), soit en adjuvant (18 doses après la chirurgie). Dans le bras néoadjuvant, 28 des 132 patients (21 %), avec résultats histologiques documentés, ont obtenu une RP complète. Avec un suivi médian de 14,7 mois, la survie sans évènement était significativement plus élevée dans le groupe néoadjuvant et la réduction du risque de décès atteignait 37 % (survie globale : HR = 0,63). La supériorité du traitement néoadjuvant se retrouvait quelles que soient les caractéristiques cliniques des patients, ou celles de la tumeur. Le pembrolizumab en néoadjuvant n’a pas modifié le pourcentage de patients bénéficiant de la chirurgie.

Le nombre d'effets indésirables était identique dans les deux groupes. Le pembrolizumab en néoadjuvant ne provoque pas plus de complications périopératoires. « Pour la même dose de traitement, l’administration du pembrolizumab avant la chirurgie amène de meilleurs résultats, remarque la Dr Sapna Patel (États-Unis). L’efficacité ne dépend pas seulement de ce qu’on donne, mais du moment où on le donne ». D’autres études pourront ultérieurement envisager une désescalade concernant la chirurgie et le traitement adjuvant. 

Le cemiplimab dans les carcinomes épidermoïdes cutanés ?

Un autre anti-PD1, le cemiplimab, a été évalué en néoadjuvant dans un essai de phase II ouvert, monobras, mené chez 79 patients (67 hommes, âge médian 73 ans) atteints d'un carcinome épidermoïde cutané (CEC) résécable (5 de stade II, 38 de stade III, et 36 de stade IV). Parmi eux, 62 ont reçu les quatre doses de cémiplimab en néoadjuvant.

Le cemiplimab a permis d’obtenir, dans près de deux tiers des cas (63 %), des RP complètes (50,6 %) ou majeures (12,7 %). Le taux de réponse objective atteint 68,4 % (cinq réponses complètes et 49 partielles). Il a été rapporté 16 stabilisations de la maladie et huit maladies évolutives (un cas non évaluable). Au total, neuf patients n’ont pas été opérés (trois refus, deux perdus de vue, deux inopérables, deux liés à des effets indésirables). Les résultats sur la survie sans progression sont en attente.

Des effets indésirables (EI) sévères (grade ≥ 3) étaient retrouvés dans 18 % des cas. Les plus fréquents étaient la fatigue (30,4 %), l'éruption maculopapulaire (13,9 %), la diarrhée (13,9 %) et les nausées (13,9 %). Quatre personnes sont décédées en raison des EI (par insuffisance cardiaque aiguë, infarctus du myocarde ou pneumonie liée au Covid-19).

(1) Chalabi M et al. ESMO 2022, abstract LBA7
(2) Patel S et al. ESMO 2022, abstract LBA6
(3) Gross N et al. ESMO 2022, abstract 7890

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : Le Quotidien du médecin