Le rôle essentiel du système nerveux sympathique dans la régulation de la pression artérielle (PA) est connu depuis longtemps. Avec les progrès technologiques, l'idée a émergé de réaliser une ablation thermique - par ultrasons ou radiofréquence - des filets nerveux sympathiques qui cheminent le long de l'adventice des artères rénales, par voie endovasculaire.
Le cathéter de radiofréquence a une forme spiralée avec plusieurs électrodes à sa surface, qui émettent un courant de faible intensité à travers la paroi artérielle. « Quant au cathéter à ultrasons, il dispose d'une sonde émettrice à l'intérieur d'un ballonnet, dans lequel circule de l'eau glacée, détaille le Pr Michel Azizi, cardiologue à l'hôpital européen Georges Pompidou (AP-HP). Celle-ci préserve, de la lésion thermique, l'intégrité de l'intima et de la média de l'artère rénale. »
Autre différence par rapport à la radiofréquence : « les ultrasons sont émis à une profondeur de 1 à 6 mm dans l'adventice artérielle et provoquent une lésion circonférentielle, précise le spécialiste. Deux à trois ablations par ultrasons de quelques secondes suffisent par artère rénale principale. Dans les deux cas, les ablations étant douloureuses, une sédation-analgésie est nécessaire. »
Une réduction de la pression artérielle quelle que soit la gravité
Après les données positives des études Radiance-HTN Solo (3) dans l’hypertension artérielle (HTA) modérée et Radiance-HTN Trio dans les formes sévères et résistantes (4), l’essai international Radiance II (1), coordonné par le Pr Azizi et le Pr Ajay Kirtane (États-Unis), a permis de comparer la dénervation rénale par ultrasons à une intervention factice (« sham »), chez 224 patients ayant une HTA non contrôlée (sans traitement ou sous antihypertenseurs). La dénervation rénale réduisait considérablement la PA chez ces patients hypertendus, après l’arrêt de tout antihypertenseur pendant trois mois.
À deux mois, la PA systolique ambulatoire diurne a été diminuée de 7,9 mmHg dans le groupe dénervation rénale versus 1,8 mmHg dans le bras sham, soit une différence de 6,3 mmHg. Les effets étaient concordants sur la PA ambulatoire nocturne, la mesure tensionnelle clinique et en automesure à domicile. Aucune complication grave n’a été observée, mais un suivi à long terme est prévu.
Menée sur plus de 500 patients, une méta-analyse des trois essais Radiance est venue confirmer cette réduction de la PA grâce à la dénervation rénale par ultrasons, à tous les stades de gravité de l’HTA (2). Les prédicteurs indépendants d'une meilleure réponse tensionnelle à la dénervation rénale étaient une PA et une fréquence cardiaque initiales plus élevées, ainsi qu’une HTA orthostatique.
Une procédure à réserver aux formes résistantes
« Dans notre conférence de consensus de février 2023 (5), nous avons précisé qu'il n'était pas matériellement possible de proposer la dénervation rénale à des millions de patients hypertendus, mais qu’il faut la réserver aux cas d’HTA résistante à une trithérapie (à une quadrithérapie pour la Haute Autorité de santé pour le remboursement), explique le Pr Azizi. Cette HTA résistante doit être vérifiée par une mesure ambulatoire de la PA. Il faut avoir exclu une HTA secondaire et vérifier l'adhésion au traitement antihypertenseur. Enfin, certains patients, intolérants ou non adhérents au traitement antihypertenseur, pourraient aussi bénéficier de cette technique. En concertation avec le patient, la décision est posée par une équipe multidisciplinaire, incluant des spécialistes de l'HTA sévère et du cathétérisme interventionnel. »
La probabilité et l’ampleur de la réponse sont plus grandes chez les patients obèses ou avec des signes d'hyperactivité sympathique, mais plus faibles chez des sujets âgés avec rigidité artérielle accrue. Les patients avec un débit de filtration glomérulaire (DFG) inférieur à 40 ml/min ont été exclus des essais initiaux, mais des études permettant un DFG de 25-30 ml/min sont en cours. D’autres critères d’exclusion existent : transplantation rénale, hémodialyse chronique, présence d’un seul rein, sténose artérielle rénale dysplasique ou artérioscléreuse, aorte abdominale à haut risque emboligène…
Et en pratique ?
Pour cette procédure, le patient passe 45 minutes en salle de cathétérisme et rentre à domicile le lendemain (le point de ponction au niveau de l'artère fémorale nécessitant une surveillance de 24 heures). La PA va commencer à baisser en moyenne au bout d'un mois. « Dans 80 % des cas, la réponse tensionnelle est favorable. Mais dans 20 % des cas, la PA ne baisse pas, en raison peut-être d'une ablation incomplète ou pour des raisons pathophysiologiques », précise le Pr Azizi. En effet, lors du cathétérisme interventionnel, aucune technique simple ne permet de savoir si l'ablation a été complète.
Puis, le patient doit être suivi en automesure pour réduire la charge et les doses médicamenteuses. « La tolérance de la technique est très bonne. En effet, le risque d’apparition d'une sténose rénale au point d'ablation est très rare et survient au cours de la première année. Une imagerie non invasive des artères rénales n'est nécessaire que si la PA rénale s'élève à nouveau sans explication », ajoute le Pr Azizi. Les contre-indications sont la présence d’un seul rein, une dysplasie artérielle rénale et une artériosclérose au niveau de l'ostium de l'artère rénale.
(1) M. Azizi et al, Jama, 2023. 28;329(8):651-661
(2) A. J. Kirtane et al, Jama Cardiol, 2023, 28:e230338
(3) M. Azizi et al, Lancet, 2018, 391(10137):2335-2345
(4) M. Azizi et al, Lancet, 2021, 397(10293):2476-2486
(5) E. Barbato et al, Eur Heart J, 2023
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