À retenir
Au total, en cas d’insuffisance cardiaque aiguë, un traitement par furosémide avec une posologie initiale plus basse qu’auparavant est désormais indiqué. Une bithérapie permet d’obtenir une décongestion plus rapide, ainsi que l’association furosémide-acétazolamide — qui semble plus sécure que l’association furosémide — hydrochlorothiazide — qui semble pertinente chez les patients déjà sous diurétiques au long cours, ou très congestifs et ne répondant pas à la première ligne de traitement. De plus, tout patient en insuffisance cardiaque devrait, dès la phase hospitalière, bénéficier de l’introduction du traitement de fond de l’insuffisance cardiaque par les quatre classes pharmaceutiques recommandées dans l’insuffisance cardiaque chronique et ce, avec de faibles doses, rapidement titrées pendant les quatre semaines suivantes, pour obtenir un objectif de 100 % de la dose maximale tolérée deux semaines après la sortie en l’absence de complication. Cela implique toutefois de pouvoir mettre en place un suivi rapproché pendant un mois — par exemple au moyen d’une télésurveillance (ou télétitration), ou du recours à des infirmiers en pratique avancée formés à la prise en charge des patients insuffisants cardiaques.
L’insuffisance cardiaque chronique évolue par poussées aiguës, actuellement responsables de 15 à 30 % de l’activité en soins intensifs de cardiologie. Et le profil des patients concernés évolue : les sujets touchés ne sont plus seulement des personnes âgées atteintes de multiples comorbidités, mais aussi des sujets de plus en plus jeunes.
Réduction des posologies
Les mécanismes physiopathologiques de ces poussées aiguës sont bien connus : congestion veineuse ou pulmonaire dans plus de 75 % des cas, bas débit cardiaque dans moins de 10 % des cas, possiblement associé à une malperfusion d’organes. Aussi, afin de limiter ces poussées et d’améliorer la survie et la qualité de vie des patients, la première ligne de traitement cible la décongestion, grâce à l’utilisation de diurétiques intraveineux. Ainsi, l’administration, dès l’hospitalisation, de diurétiques de l’anse — comme le furosémide, disponible en France depuis trois décennies, ou le torsémide, essentiellement utilisé par les Anglo-Saxons — permet de réduire rapidement la congestion dans la majorité des cas.
Néanmoins, une congestion persiste en sortie d’hospitalisation chez plus d’un tiers des patients. Cette congestion, qui est liée notamment à la sévérité de la cardiopathie initiale (dysfonction ventriculaire droite, présence d’une insuffisance tricuspide ou mitrale significative, bas débit cardiaque) et aux interactions cardiorénales notamment, est fortement corrélée à un mauvais pronostic fonctionnel et vital chez ces patients. D’où le développement de nouvelles stratégies d’utilisation des diurétiques.
Une congestion persiste en sortie d’hospitalisation chez plus d’un tiers des patients
D’abord, exit les fortes doses, qui étaient auparavant de mise. Chez les patients naïfs de diurétiques, un traitement diurétique intraveineux à de faibles doses, de 20 à 40 mg de furosémide, est désormais préconisé. Seuls les patients recevant déjà des diurétiques peuvent recevoir d’emblée des doses plus élevées (jusqu’à deux fois la posologie journalière habituelle). Puis, la dose est adaptée en fonction de la diurèse (mesurée après deux à quatre heures de traitement) ou de la natriurèse (avec un objectif d’au moins 50 à 70 mEq/L de sodium sur un prélèvement instantané d’urines) obtenues.
Approche combinée
Depuis quelques années, face aux phénomènes de résistance aux diurétiques, une approche diurétique combinée s’est développée et suscite des débats.
L’étude Advor, parue dans le « New England journal of medicine » en 2022, est la première à avoir décrit cette stratégie combinée : chez des patients en décompensation aiguë d’une insuffisance cardiaque chronique déjà traités par diurétique de l’anse, l’ajout de 500 mg d’acétazolamide intraveineux pendant les trois premiers jours de prise en charge a permis d’obtenir une décongestion plus importante et plus rapide. Et ce, sans effets indésirables significatifs. Cependant, ce travail n’a pas pu mettre en évidence d’effet significatif sur les réhospitalisations ou la mortalité à six mois.
Une seconde étude, Chlorotic, s’est soldée par des résultats similaires avec l’hydrochlorothiazide chez des patients insuffisants cardiaques chroniques déjà sous furosémide au long cours présentant une décompensation cardiaque aiguë : une bithérapie combinant cette molécule per os à un diurétique de l’anse intraveineux a permis d’augmenter l’intensité et la rapidité de la perte de poids (en valeur absolue et rapporté à la dose de furosémide) par rapport à une monothérapie par furosémide. Toutefois, une augmentation des effets indésirables a été notée, avec en particulier un surrisque d’altération de la fonction rénale et d’hypokaliémie. Le tout, là encore, sans différence en termes de réhospitalisations et de décès à moyen terme.
Introduction et titration rapide d’un traitement de fond
En fait, cette absence d’effet sur le risque de réhospitalisation pour insuffisance cardiaque et de décès à moyen terme apparaît sans doute liée à une hyperactivation réflexe du système neurohormonal, par l’importance et la rapidité de la variation volémique obtenue : une décongestion seule se révèle peu pertinente. Ainsi, est désormais aussi requise une implémentation rapide, dès l’hospitalisation, du traitement de fond de l’insuffisance cardiaque chronique.
L’étude Strong-HF, parue dans le Lancet en 2022, a montré que la titration rapide en quelques semaines d’un traitement de fond, associant bloqueurs du système rénine-angiotensine-aldostérone (inhibiteurs de l’enzyme de conversion, ou ARAII, ou association valsartan/neprilysine), bêtabloquants et anti-aldostérone, permet d’améliorer précocement les paramètres de congestion et de qualité de vie, mais aussi et surtout de réduire les réhospitalisations pour insuffisance cardiaque et les décès toutes causes à moyen et long terme (à 90 jours et à 6 mois).
Arrivée des glifozines
À noter par ailleurs que l’étude Strong-HF avait été conduite avant l’arrivée des glifozines : depuis la parution de cette étude, l’empaglifozine et la dapaglifozine ont montré leur potentiel effet codiurétique (effet positif sur la décongestion après implémentation dans les 24 à 48 heures) et leur intérêt sur des critères combinés prenant en compte la mortalité, les réhospitalisations, la qualité de vie, etc. Ces médicaments ont désormais leur place en première ligne, dans le traitement de fond de l’insuffisance cardiaque aiguë dès la prise en charge initiale.
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