Au cours des dernières années, l’activité de greffe cardiaque est restée sensiblement stable en France, avec environ 400 transplantations réalisées chaque année. Avec à peu près six greffes par million d’habitants, l’Hexagone reste dans le peloton de tête des pays effectuant des greffes cardiaques en Europe.
Néanmoins, la crise sanitaire a eu un réel impact immédiat et tardif sur l’activité. Si le nombre de greffes avait baissé de 13% en 2020 par rapport à 2019, il a diminué de 6% en 2023 par rapport à 2022. L’effet immédiat de la pandémie s’expliquait par une saturation du système de soins, avec une réduction des capacités d’hospitalisation des donneurs mais aussi des candidats à une transplantation. Ce qui est observé actuellement semble lié à une désorganisation des filières de soins, qui réduit non seulement le nombre de patients adressés aux centres de transplantation mais aussi le nombre de donneurs recensés et prélevés en réanimation.
La baisse concomitante du nombre de candidats et de greffons ont fait que l’accès à la greffe, et la mortalité en attente d’une greffe n’ont pas changé depuis 2019. Ainsi, la moitié des patients en attente d’une greffe sont opérés dans les deux mois et demi qui suivent leur inscription mais, un an après leur inscription, près de 30 % des patients n’ont pas été greffés. Avec environ deux candidats pour un greffon, chaque année, entre 50 et 100 personnes inscrites en liste d’attente de transplantation cardiaque décèdent ou deviennent inéligibles à la greffe.
Au cours des dix dernières années, d’indiscutables progrès ont été effectués dans la prise en charge médicale de l’insuffisance cardiaque, retardant l’évolution de la maladie et ainsi le besoin de transplantation pour de nombreux de patients. Cela a contribué à contenir cette inadéquation entre demande de transplantations et offre de greffons.
Par ailleurs, la recherche d’alternatives à la transplantation a d’ores et déjà marqué des points. En témoigne l’évolution des dispositifs d’assistance circulatoire mécanique ventriculaire gauche (LVAD), désormais associés à une médiane de survie de plus de cinq ans, qui peuvent être utilisés en pont vers la greffe, mais aussi en lieu et place d’une transplantation cardiaque.
Et le domaine évolue encore, notamment avec le développement de cœurs artificiels totaux — comme le cœur bioprothétique de la société Carmat. En France, depuis 2023, une trentaine de personnes candidates potentielle à une greffe classique ont pu recevoir ce dernier dispositif dans le cadre d’un protocole de recherche biomédicale.
Prélèvement de cœur sur arrêt circulatoire
Bien entendu, l’objectif reste d’augmenter le pool de greffons disponibles, en augmentant le nombre de donneurs. Pour ce faire, à côté des prélèvements chez les donneurs en mort encéphalique, seule source de greffons cardiaques à l’heure actuelle, une perspective concerne le prélèvement de greffons cardiaques chez des donneurs en arrêt circulatoire, dans le cadre d’une limitation ou d’un arrêt des thérapeutiques, dénommés donneurs Maastricht 3. Des greffons rénaux, hépatiques, pulmonaires, pancréatiques sont actuellement prélevés chez cette catégorie de donneurs.
En 2015, lors du lancement du programme français, l’idée de réaliser des prélèvements cardiaques chez ces donneurs en arrêt circulatoire paraissait incongrue. Depuis, certains pays ont développé le prélèvement de cœur chez ces donneurs, avec de bons résultats. Citons l’Australie ou le Royaume-Uni, précurseurs depuis 2014, mais aussi les États-Unis, qui ont ouvert cette possibilité en pratique clinique en 2019. Depuis plus d’un an, l’Agence de la biomédecine travaille, en partenariat avec des cardiologues, des chirurgiens, des réanimateurs, des coordinations hospitalières, pour construire un programme de prélèvement cardiaque chez les donneurs Maastricht 3.
Des obstacles techniques et réglementaires doivent encore être surmontés, avec en particulier le choix d’une procédure de prélèvement et une modification de l’arrêté encadrant cette activité. L’objectif est de débuter le prélèvement chez ces donneurs Maastricht 3 d’ici à la fin 2025.
Développement de machines de perfusion
Une autre perspective pour faciliter l’accès à la transplantation concerne l’amélioration de la préservation des greffons lors de leur transport entre le centre de prélèvement et le centre de greffe. Ces conditions de préservation pendant le transport jouent un rôle important dans la survenue des dysfonctions précoces des greffons, observées actuellement dans 40 % des cas. De plus, l’ischémie contemporaine du transport, lorsque les greffons sont conservés avec des machines de préservation classiques, limite les possibilités d’échanges de greffons entre des territoires distants.
L’arrivée de machines permettant de perfuser les greffons cardiaques en hypo- ou en normothermie avec des solutions oxygénées, constitue potentiellement une innovation de rupture. Alors que la durée d’ischémie d’un greffon est à l’heure actuelle limitée à 4 heures, ces machines de perfusions ont d’ores et déjà pu permettre de transplanter des cœurs conservés pendant 12 heures — transportés par avion des Antilles à la métropole.
La prolongation de la durée de conservation des greffons ouvre la voie à un changement radical de l’organisation des greffes, permettant par exemple, d’opérer le jour plutôt que la nuit dans un contexte plus sûr, ou de mutualiser les prélèvements de greffons entre plusieurs équipes utilisant une plateforme commune de perfusion.
Vers des greffes interespèces
Enfin, une voie d’avenir qui pourrait s’ouvrir à plus long terme concerne la greffe de cœur d’animaux transgéniques. La réalisation de ces xénotransplantations est devenue une réalité grâce à la technique Crispr-Cas9, qui permet l’insertion et la délétion de gènes dans le génome de ces animaux. Ainsi, une première greffe humaine utilisant un cœur de cochon chez lequel dix gènes avaient été modifiés a été réalisée en 2022, chez un patient qui a survécu deux mois après la greffe. En septembre 2023, une seconde greffe a été effectuée à partir d’un cœur de cochon transgénique. Cependant, de nombreux obstacles persistent, que la recherche doit encore dépasser : rejet de greffe interespèce, risque infectieux lié aux virus porcins, problématiques éthiques et réglementaires concernant les organes génétiquement modifiés.
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