LE QUOTIDIEN : Quels réflexes avoir en cas d'HTA résistante ?
Pr MOURAD : Le médecin doit s'assurer de la réalité de la résistance : cela consiste à récupérer des valeurs ambulatoires de la pression artérielle (automesure à domicile) et à demander si les médicaments sont bien pris. Un bilan étiologique pour tenter de trouver des facteurs de résistance est toujours utile : les deux causes les plus fréquentes d'HTA secondaire sont le syndrome d'apnées du sommeil et l'hyperaldostéronisme primaire (responsable d'une hypokaliémie facile à détecter). La résistance peut aussi s'expliquer par l'état détérioré des artères en raison de l'âge, d'une néphropathie, d'un tabagisme…
L'inobservance est-elle toujours du ressort du malade ?
Le patient n’est pas seul en cause. L'un des gros problèmes vient du fait que les médecins n'appliquent pas toujours les recommandations qui favorisent l'adhésion du malade au traitement. Par exemple, il est recommandé de consacrer une consultation d'information et d'annonce au diagnostic de l'HTA, notamment pour expliquer au patient la balance bénéfice/risque des traitements, parler des effets secondaires pour dédramatiser… Mais ce n'est pas toujours respecté. Or, l'hypertension est souvent la première maladie à laquelle est confronté le patient et pour laquelle il va devoir prendre un traitement à vie. Cette étape d'explication est donc cruciale.
Comment repérer les hypertendus inobservants ?
Il n’existe pas de profils types de patients hypertendus inobservants. Et il ne faut surtout pas s'imaginer que parce que la prescription est « ordonnée », elle va être suivie. L'humain n'est pas programmé génétiquement pour prendre des comprimés, d'autant que l'hypertension est asymptomatique ! Obtenir une bonne observance relève d'un véritable compagnonnage. Par exemple, il est utile d'évoquer d'emblée que l'adhérence au traitement est difficile pour déculpabiliser le patient. Il est également préférable de l'amener à en parler s'il y est confronté, plutôt qu’il le cache. Il faut aussi faire en sorte que l'ordonnance soit la plus facile à observer. Lorsque la confiance entre le médecin, le malade et l'ordonnance est là, il y a tous les ingrédients d'une bonne adhésion au traitement.
Quels arguments utiliser pour convaincre ?
Très peu de patients savent, par exemple, que traiter leur HTA à 50 ans est la meilleure prévention d'une démence. C'est aussi la garantie d'un gain d'espérance de vie en meilleure santé, de sept ans en moyenne comparativement à une personne hypertendue qui ne se traite pas. Or, c'est le type d'argument qui peut faire mouche. Un hypertendu étant vu en consultation six à dix fois par an, il est possible de lui donner ces informations susceptibles de le motiver à prendre ses traitements, à un moment ou un autre.
Quelle autre recommandation peine à être suivie ?
Il est recommandé de privilégier les associations fixes, avec des médicaments à longue durée d'action pour diminuer le nombre de prises quotidiennes. Or, là encore, ce n'est pas toujours le cas. On sait pourtant qu'au-delà de six comprimés par jour, il y a quasi 100 % d'inobservance ! Les dernières recommandations européennes préconisent d'ailleurs une bithérapie à un comprimé par jour en initiation et, si besoin, une trithérapie à un comprimé par jour en cas d'HTA résistante. En France et en Bulgarie, cette trithérapie en un comprimé n'étant pas disponible, il faut donc deux comprimés au quotidien.
La trithérapie recommandée comprend un bloqueur du système rénine-angiotensine, un inhibiteur calcique et un diurétique thiazidique. Des audits récents, évaluant le type de trithérapie prescrite par les cardiologues et les généralistes, montrent que cette association recommandée est minoritaire aujourd'hui, aux dépens de prescriptions incluant les bêtabloquants. Il y a donc encore des marges de progression du côté des médecins !
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