L'insuffisance cardiaque à fraction d'éjection préservée (ICFEp) est un syndrome protéiforme, à la physiopathologie complexe dépendant de l'étiologie dominante, associé à diverses comorbidités. Son traitement, en sus des diurétiques qui contrôlent les symptômes et les signes congestifs, doit donc être avant tout étiologique. Cette notion et la difficulté de son diagnostic expliquent les échecs des tentatives thérapeutiques réalisées jusqu'à présent. Or parmi les différents phénotypes de l'ICFEp, deux se détachent par leur spécificité ou leur fréquence, les cardiopathies infiltratives dominées par l'amylose à l'origine d'un syndrome restrictif, et les cardiopathies hypertensives associées souvent à un syndrome métabolique avec obésité et diabète.
Une réduction de 30 % de la mortalité sous tafimidis dans l'amylose
En 2018, l'étude ATTR-ACT a démontré le bénéfice du tafamidis dans le traitement de l'amylose cardiaque à la transthyrétine héréditaire ou sauvage qui dans certaines séries représente 18 % des ICFEp (1). Cette molécule, à la dose de 20 ou 80 mg/j, après un suivi moyen de 30 mois, réduit de 30 % la mortalité toutes causes et de 32 % les hospitalisations de causes cardiovasculaires (2). Il faut donc rechercher systématiquement cette pathologie devant une ICFEp par une scintigraphie au biphosphonate et une IRM myocardique.
Les résultats de l'essai PARAGON-HF attendus à l'AHA
En 2019 seront présentés à l'AHA les résultats de l'étude PARAGON-HF, qui teste l'intérêt des inhibiteurs de la néprilysine et des récepteurs de l'angiotensine 2 au cours de l'ICFEp. Les caractéristiques des patients inclus ont récemment été publiées (3) et correspondent à la deuxième grande forme d'ICFEp, la cardiopathie hypertensive. Ainsi, 96 % des patients étaient hypertendus, avec une hypertension artérielle (HTA) associée à une obésité ou à un diabète chez respectivement 49 % et 43 % des sujets. Ainsi, à la différence des essais antérieurs avec le périndopril, le candésartan, l'irbésartan et la spironolactone, une population homogène de patients porteurs d'ICFEp par cardiopathie hypertensive a été incluse. Le comparateur étant le valsartan à une posologie équivalente à celle de l'association étudiée, nous pourrons déterminer l'impact de l'inhibition de la néprilysine par le sacubitril dans cette forme d'insuffisance cardiaque.
Les effets favorables attendus de l'accumulation de peptides natriurétiques endogènes, diurétiques, vasodilatateurs et antifibrosants, pourraient permettre une diminution des évènements cardiovasculaires, au moins des hospitalisations itératives pour insuffisance cardiaque qui font partie, avec les décès cardiovasculaires, du critère principal combiné. Nous posséderions enfin, non pas un traitement de l'ICFEp, mais un traitement de la cardiopathie hypertensive, qui en est de loin la forme étiologique principale.
Ainsi, en l'espace de deux ans, la prise en charge de l'ICFEp aura profondément évolué. Ceci imposera la réalisation d'une enquête étiologique poussée, un antécédent d'HTA ne suffisant pas à rapporter une ICFEp à une cardiopathie hypertensive, ainsi qu'un traitement étiologique, seul capable de s'opposer à l'évolution de la maladie.
Fédération des services de cardiologie, CHU Toulouse-Rangueil
Bennani-Smirès Y, Victor G, Ribes D, et al. Pilot study for left ventricular imaging phenotype of patients over 65 years old with heart failure and preserved ejection fraction : the high prevalence of amyloid cardiomyopathy. Int J Cardiovasc Imaging 2016;32(9):1403-13
Maurer MS, Schwartz JH, Gundapaneni B, et al. Tafamidis treatment for patients with transthyretin amyloid cardiomyopathy. N Engl J Med 2018;379(11):1007-16
Solomon S, Rizkala AR, Lefkowitz MP, et al. Baseline characteristics of patients with heart failure and preserved ejection fraction : the PARAGON-HF Trial. Circ Heart Fail 2018;11(7):e004962
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