La pression artérielle (PA) peut varier à court terme, sur 24 heures, à moyen terme, d'un jour à l'autre, ou à long terme, d'une consultation à une autre (ce qui inclut les variations saisonnières), mais on détermine aussi des profils plus spécifiques en fonction de la chute de la pression nocturne ou du pic de pression matinal.
La variabilité au cours des 24 heures et d'une visite à une autre est associée à un remodelage artériel qui pourrait intervenir dans la genèse de la maladie cardiovasculaire (CV) [1]. Selon le Framingham Stroke Risk Profile, la variabilité à court terme augmente le risque d'AVC. Néanmoins, sa valeur pronostique ne semble contribuer que modestement à la stratification du risque d'AVC, comme l'atteste l'analyse d'une cohorte de près de 9 000 personnes (2).
Les petits matins qui déchantent
Par contre, si on étudie la variation de la PA nocturne selon le statut de dipper (ratio nuit/jour 0,8 à 0,9), non-dipper (ratio 0,9 à 1), extreme dipper (ratio < 0,8) ou risers (ratio > 1), une méta-analyse menée chez 17 312 hypertendus (1 769 évènements CV dont 698 AVC), elle amène des informations pronostiques importantes, indépendantes du niveau de la PA systolique (PAS) des 24 heures (3). Chez les non-dippers le risque de complications CV est augmenté de 27 % par rapport aux dippers, et les reverse dippers sont aussi plus exposés au risque d'évènements CV. Pour les dippers extremes, le risque est proche de celui des dippers lorsqu'ils sont traités, tandis qu'il est pratiquement doublé en l'absence de traitement.
Une étude japonaise de 2001 avait mis en évidence chez 575 hypertendus âgés, une augmentation significative de la prévalence des infarctus cérébraux silencieux et des AVC chez les extreme dippers et les reverse dippers. Elle montrait surtout que les reverse dippers font plus d'AVC hémorragiques, tandis que chez les extreme dippers, la plupart des AVC sont d'origine ischémique et surviennent plutôt la nuit (4). Dans une autre étude japonaise, le pic tensionnel pré-réveil est associé à une augmentation du nombre d'AVC, essentiellement hémorragiques (5). Dans une autre analyse, un « morning surge » systolique et diastolique au-delà du 90e percentile constitue un facteur prédictif indépendant d'évènements CV (6).
Variabilité tensionnelle à moyen et long terme, des arguments à confirmer
Une revue de la littérature suggère que la variabilité d'un jour à l'autre est associée avec la survenue de MACE (évènements indésirables cardiaques majeurs) et la mortalité par AVC. Mais les résultats des différentes études ne concordent pas, les protocoles d'HBPM ne sont pas homogènes et l'intérêt pratique pour un patient donné reste donc limité (7). Par contre, chez 6 238 individus en population générale, la variation de la PAS/PAD en ambulatoire d'un jour à l'autre au-delà de 11/12,8 mmHg pourrait augmenter le risque de maladie CV (8).
En ce qui concerne la variabilité tensionnelle d'une visite à l'autre, une méta-analyse montrait une augmentation significative mais modeste du risque d'AVC (HR = 1,17) [9], tandis que le suivi de 2,8 millions de vétérans hypertendus, ou non, souligne une corrélation entre l'amplitude de la variation de la PAS et l'augmentation du risque d'AVC (10). Une analyse post-hoc de SPRINT (Systolic Blood Pressure Intervention Trial) confirme aussi que le risque d'AVC est plus élevé dans le plus haut quintile de la variabilité tensionnelle au long cours (11).
Avantage aux inhibiteurs calciques ?
Les bloqueurs calciques feraient mieux que les autres antihypertenseurs sur le risque d'AVC, et en particulier l'amlodipine, qui en réduisant la variabilité au long cours diminuerait le mieux le risque cérébrovasculaire (12). « Ces arguments sont tirés d'analyse post-hoc et de méta-analyses, remarque le Pr Efstathios Manios, thérapeutique clinique (Athènes), et des essais interventionnels s'imposent pour savoir si le lissage de la variabilité tensionnelle par des traitements spécifiques chez des catégories de patients bien particuliers amène ou non une réduction du risque d'AVC indépendamment de la PA moyenne ».
29
e congrès de l’ESH, session de l’ESH Working Group on Hypertension and the Brain
(1) Diaz et al. Visit&-to-visit and 24-h blood pressure variability: association with endothelial and smooth muscle function in African Americans, J Hum Hypertens. 2013 Nov;27(11):671-7. doi: 10.1038/jhh.2013.33.
(2) Hansen et al. Hypertension. 2010;55:1049-57
(3) Salles et al. Prognostic Effect of the Nocturnal Blood Pressure Fall in Hypertensive Patients: The Ambulatory Blood Pressure Collaboration in Patients With Hypertension (ABC-H) Meta-Analysis, Hypertension. 2016 Apr;67(4):693-700. doi: 10.116
(4) Kario et al. Stroke prognosis and abnormal nocturnal blood pressure falls in older hypertensives, Hypertension. 2001 Oct;38(4):852-7.
(6) Metoki et al. Prognostic significance for stroke of a morning pressor surge and a nocturnal blood pressure decline: the Ohasama study, Hypertension. 2006 Feb;47(2):149-54. Epub 2005 Dec 27.
(6) Li et al. Prognostic value of the morning blood pressure surge in 5645 subjects from 8 populations Hypertension. 2010 Apr;55(4):1040-8. doi: 10.1161
(7) Stergiou et al. Blood pressure variability assessed by home measurements: a systematic review, Hypertens Res. 2014 Jun;37(6):565-72. doi: 10.1038/hr.2014.2.
(8) Juhanoja et al. Outcome-Driven Thresholds for Increased Home Blood Pressure Variability. Hypertension. 2017 Apr;69(4):599-607. doi: 10.1161
(9) Diaz et al. Visit-to-visit variability of blood pressure and cardiovascular disease and all-cause mortality: a systematic review and meta-analysis, Hypertension. 2014 Nov; 64(5):965–82.
(10) Gosmanova et al. Association of Systolic Blood Pressure Variability With Mortality, Coronary Heart Disease, Stroke, and Renal Disease, J Am Coll Cardiol. 2016 Sep 27;68(13):1375-86. doi: 10.1016/j.jacc.2016.06.054.
(11) Chang et al. Visit-to-Visit Office Blood Pressure Variability and Cardiovascular Outcomes in SPRINT (Systolic Blood Pressure Intervention Trial), Hypertension. 2017 Oct;70(4):751-8. doi: 10.1161
(12) Kollias et al. Treating Visit-to-Visit Blood Pressure Variability to Improve Prognosis: Is Amlodipine the Drug of Choice? Hypertension. 2017 Nov;70(5):862-6. doi: 10.1161
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?