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Fibrillation atriale : contrôler le rythme

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Publié le 23/02/2023
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Après une période plutôt axée sur le contrôle de la fréquence cardiaque, le contrôle du rythme connaît un regain d’intérêt depuis la publication d’études démontrant le lien entre rythme sinusal et survie à long terme. Il semble important de proposer une ablation relativement tôt, avant l’évolution vers une cardiomyopathie atriale.

L’ablation est une alternative en première ligne

L’ablation est une alternative en première ligne
Crédit photo : Burger/Phanie

« L’incidence de la fibrillation atriale (FA), la plus fréquente des arythmies, augmente avec l’âge et est grevée d’un mauvais pronostic. À cinq ans, on dénombre 49 % de décès, 9 % d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) et 14 % d’insuffisance cardiaque (IC) », a rappelé le Pr Dominique Babuty (Tours). L’objectif du traitement est d’améliorer la survie et la qualité de vie. Au-delà du traitement anticoagulant, deux stratégies sont alors possibles : le contrôle du rythme ou de la fréquence cardiaque. Au début des années 2000, plusieurs grandes études, notamment RACE et AFFIRM, ont fait pencher la balance vers le contrôle de la fréquence cardiaque. Actuellement, les trois quarts des patients reçoivent donc un traitement contrôlant la fréquence cardiaque et non le rythme.

Un regain d’intérêt

Depuis la publication de nouvelles données, le contrôle du rythme connaît un regain d’intérêt. Une analyse détaillée, des résultats de l’étude AFFIRM, a ainsi montré que le maintien en rythme sinusal est un des cofacteurs associés à la prolongation de la survie. Comparativement au contrôle de la fréquence, les bénéfices du contrôle du rythme apparaissent plus tardivement, après cinq ans de suivi, selon une étude de cohorte observationnelle canadienne.

Plus récemment, en 2020, l’étude EAST-AFNET 4 avait fait grand bruit. Elle démontre que le contrôle précoce du rythme permet de réduire de 20 % le critère primaire (combinant décès cardiovasculaire, AVC, IC et syndrome coronaire), par rapport au traitement usuel de contrôle de la fréquence cardiaque. En analysant en détail cet essai, le maintien du rythme sinusal explique 80 % des bénéfices de cette stratégie. Ces bénéfices, confortés par les données d’un registre coréen, n’ont cependant pas été confirmés par les résultats publiés en 2022 du registre européen ESC/EHRA.

Antiarythmiques et ablation

Concernant les moyens à disposition des praticiens pour contrôler le rythme, la dronédarone avait prouvé ses bénéfices sur les décès cardiovasculaires dans l’étude ATHENA, mais elle n’est plus remboursée en France. Le flécaïnide et l’amiodarone n’ont pas démontré leur intérêt sur le risque de décès, mais ils sont efficaces pour maintenir le rythme sinusal, au prix d’effets secondaires, notamment proarythmiques. Or, leur utilisation en pratique clinique ne répond pas tout à fait aux préconisations des recommandations. Un travail européen publié en 2022 a ainsi montré que 48 % des cardiologues font passer l’efficacité avant la sécurité, cette dernière n’étant le critère principal que pour un tiers des praticiens ayant répondu à l’enquête.

L’ablation est une alternative en première ligne et « toutes les études vont dans le même sens quant au maintien du rythme sinusal », a souligné le Pr Babuty. Selon une méta-analyse, le risque de récidive d’arythmie atriale est réduit de 46 % à un an et de 30 % à deux ans, comparativement aux traitements antiarythmiques, sans différence quant à la sécurité.

Le maintien du rythme sinusal est d’autant plus important qu’il permet d’éviter l’évolution vers une cardiomyopathie atriale et une FA persistante, qui relève d’un mécanisme physiopathologique complexe de prise en charge difficile. Ce problème se pose avec encore plus d’acuité en cas d’IC associée à la FA, avec un véritable cercle vicieux. Dans ce sous-groupe de patients, la mortalité à cinq ans est de 73 %. Plusieurs essais récents (CASTLE-HF, CABANA) ont démontré les bénéfices de l’ablation précoce dans ce contexte. Une étude, RAFT-AF, ne va pas dans ce sens, mais le nombre d’événements a été inférieur à ce qui était attendu, rendant délicate toute conclusion.

D’un point de vue technique, la pierre angulaire de l’ablation est l’isolement des veines pulmonaires. Le choix entre cryoablation et radiofréquence dépend de l’opérateur, car les résultats sont comparables. Les récidives restent fréquentes et les patients doivent en être informés. La procédure donne de moins bons résultats lorsque le taux de fibrose dépasse 30 %. Il est donc nécessaire de bien apprécier le degré de fibrose, afin de bien sélectionner les patients. Il n’existe aujourd’hui pas de stratégie validée pour améliorer les résultats de l’ablation en cas de fibrose.

D’après la communication du Pr Dominique Babuty (CHRU de Tours)

Dr Isabelle Hoppenot

Source : lequotidiendumedecin.fr