Insuffisance cardiaque : intervenir le plus précocement possible

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Publié le 15/07/2022
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Les dernières recommandations des sociétés savantes européennes et américaines préconisent de traiter l’insuffisance cardiaque, le plus précocement possible, en suivant de nouvelles modalités d’utilisation des médicaments afin de ralentir le remodelage cardiaque.
Les nouvelles recommandations préconisent un traitement le plus rapidement possible, et non plus de manière séquentielle

Les nouvelles recommandations préconisent un traitement le plus rapidement possible, et non plus de manière séquentielle
Crédit photo : Phanie

Maladie chronique évoluant par poussées, l’insuffisance cardiaque (IC) est encore trop souvent diagnostiquée tardivement, à l’occasion d’une décompensation aiguë. Son dépistage et sa prise en charge précoce permettraient pourtant de ralentir le remodelage cardiaque.

Quatre catégories sont désormais distinguées : les patients à risque d’IC, les patients asymptomatiques avec des modifications structurelles à l’échocardiographie ou une élévation des peptides natriurétiques, les patients symptomatiques avec modifications structurelles et les IC avancées.

Une IC asymptomatique doit être recherchée chez tout patient avec facteur(s) de risque cardiovasculaire(s) (HTA, diabète, insuffisance coronaire, cardiopathie valvulaire, hypercholestérolémie, obésité, chimiothérapie avec anthracycline même très ancienne) par l’interrogatoire, l’examen clinique, le dosage des peptides natriurétiques (NT-proBNP > 125 pg/ml) et, en cas d’élévation de ces derniers et par une échographie cardiaque recherchant la dysfonction ventriculaire gauche : fraction d’éjection ventriculaire gauche (FEVG) préservée ≥ à 50 % (IC à FEVG préservée, anciennement IC diastolique) ou altérée < à 50 %. 

Les nouvelles recommandations préconisent de traiter l’IC à fraction d’éjection altérée le plus rapidement possible, et non plus de manière séquentielle, en utilisant les quatre classes thérapeutiques diminuant la mortalité. À savoir : inhibiteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (IEC) ou inhibiteurs du récepteur de l'angiotensine-néprilysine ARNi (valsartan/sacubitril) ; bêtabloquants ; antagonistes des récepteurs aux minéralocorticoïdes (ARM) ; et inhibiteurs du cotransporteur sodium/glucose de type 2 (iSGLT2) ou gliflozines, à faibles doses en augmentant la posologie progressivement, associés à un diurétique. 

Dans l’IC avec FEVG préservée (≥ à 50 %), les iSGLT2, qui ont également un effet bénéfique sur le risque d’hospitalisation pour IC et les décès cardiovasculaires, doivent être utilisés (en association avec le furosémide). Les ARM ont peut-être aussi une place dans les IC à fonction préservée.

Les questions à se poser

- Chez le patient à risque, existe-t-il des symptômes évocateurs d’IC (dyspnée d’effort, orthopnée, prise de poids, asthénie inexpliquée) ?

- L’examen retrouve-t-il une turgescence jugulaire, une hépatomégalie sensible, des œdèmes ? L’auscultation décèle-t-elle une tachycardie, un bruit de galop, des râles crépitants, des signes d’épanchement pleural, un souffle cardiaque ?

- Quel est le type d’IC ? Interrogatoire, examen clinique, dosage des peptides natriurétiques et échographie permettent d’identifier le stade.

- Existe-t-il une atteinte coronaire associée à l’IC ? Prescrire une scintigraphie et une échographie de stress, voire une coronarographie ou une tomodensitométrie coronaire.

- Existe-t-il un contexte pathologique à même d’orienter le bilan biologique (maladies auto-immunes, dysthyroïdies, etc.) ?

Ce qu’il faut faire

- Adresser le patient avec une IC symptomatique au cardiologue.

- Une fois le traitement instauré, surveiller tous les 15 jours pour adapter les doses (IEC ou ARNi, ARM, bêtabloquant, iSGLT2) puis tous les trois mois avec échographie cardiaque annuelle lorsque le patient est stable. Éliminer les causes iatrogènes de décompensation, corriger des troubles du rythme (fibrillation atriale), une carence martiale, prendre en charge le diabète.

- Informer le patient sur sa pathologie, les traitements, les symptômes traduisant une décompensation en s’appuyant sur l’éducation thérapeutique. Proposer si possible une réadaptation cardiaque.

- Réduire les facteurs de risque cardiovasculaires (tabagisme, excès de sel, abus d’alcool, sédentarité) ; contrôler le poids, le pouls (bêtabloquant) et la pression artérielle, surveiller la fonction rénale et la kaliémie si ARM, l’absence d’infection urinaire chez le diabétique si iSGLT2, adapter les doses de diurétique de l’anse en visant la posologie minimale efficace.

- Expliquer l’importance des mesures hygiénodiététiques et du régime pauvre en sel à adapter à la gravité de l’IC.

- Favoriser l’observance du traitement de l’IC en s’appuyant sur l’entourage, les infirmières spécialisées, les groupes d’éducation thérapeutique, l’instauration d’une télésurveillance.

Ce qu’il faut retenir

- Systématiser le dépistage précoce de l’IC chez les patients à risque.

- Dans l’IC à fraction d’éjection < 50 %, quatre grandes classes médicamenteuses ont démontré leur efficacité en association avec les diurétiques de l’anse. Leur association doit être précoce, à faibles doses, avec augmentation progressive mais rapide de leur posologie.

- Les iSGLT2 (empagliflozine et dapagliflozine) ont un effet de classe dans l’IC, avec une réduction de la mortalité, y compris dans les IC à fraction d’éjection préservée.

D’après un entretien avec le Pr Michel Galinier, CHU de Toulouse

Dr Caroline Martineau

Source : Le Quotidien du médecin