Insuffisance cardiaque : savoir manier les iSGLT2 chez les seniors

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Publié le 14/04/2023
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Les inhibiteurs de SGLT2 sont largement utilisés en dehors de la diabétologie. En cardiologie, ils sont désormais indiqués en première intention dans l'insuffisance cardiaque mais demandent quelques précautions chez les sujets âgés.

Crédit photo : Voisin/Phanie

Comment introduire les inhibiteurs de SGLT2 (iSGLT2) recommandés dans l'insuffisance cardiaque (IC) chez les personnes âgées ? Si ces molécules initialement antidiabétiques font désormais partie intégrante du traitement en cardiologie, le maniement des gliflozines mérite une plus grande attention chez les plus de 65 ans.

« L'insuffisance cardiaque doit être dépistée précocement chez la personne âgée, insiste la Dr Flore Morio, cardiologue au CHU de Nantes. L'objectif est de mettre en route un traitement spécifique et de réduire la morbimortalité. » L'IC est la première cause d'hospitalisation après 60 ans et la troisième cause de mortalité en France avec 70 000 décès par an.

Comment dépister l'IC dans cette population ? « Les signes sont peu spécifiques », reconnaît la cardiologue. La dyspnée n'est pas toujours au premier plan, surtout s'il y a une perte d'autonomie associée à une sédentarité. Les œdèmes ne se situent pas toujours au niveau des membres inférieurs mais des lombes. « La prise de poids rapide est le meilleur signe de congestion », souligne la Dr Morio, invitant à la vigilance face à un bilan stable chez les patients dénutris.

Sur le plan biologique, les taux de BNP et de NT-proBNP sont « parfois difficiles d'interprétation », indique-t-elle. Les chiffres sont souvent plus élevés du fait de l'âge mais aussi du fait des comorbidités (insuffisance rénale chronique, maladies respiratoires chroniques).

Depuis 2021, les recommandations européennes (European Society of Cardiology) préconisent d'introduire d'emblée quatre classes médicamenteuses : les gliflozines, les inhibiteurs de l'enzyme de conversion (IEC)/antagonistes des récepteurs de l'angiotensine 2 (ARA2), les bêtabloquants, les antagonistes des récepteurs des minéralocorticoïdes (ARM), avec si congestion les diurétiques de l'anse.

À tous les stades d'IC

Les iSGLT2 sont des inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose 2. « Il existe un effet diurétique, explique la cardiologue. Mais on n'a pas encore compris comment s'exerce toute l'action en cardiologie. » Sont évoqués des effets anti-fibrose ou sur le métabolisme myocardique.

Parmi les iSGLT2, la dapagliflozine est arrivée en premier, en 2019, dans l'IC avec fraction d'éjection (FE) réduite (< 40 %) chez les patients avec ou sans diabète (étude Dapa-HF). Le remboursement a été obtenu en 2021 avec la restriction de ne pas l'introduire chez les patients ayant un débit de filtration glomérulaire (DFG) < 25 ml/min, « ce qui est souvent le cas chez les patients âgés insuffisants cardiaques », fait remarquer la Dr Morio.

A suivi l'empagliflozine, qui a plus que rattrapé son retard. En juin 2022, elle a obtenu un remboursement élargi à l'IC à FE > 40 % (DFG > 20 ml/min). Pour la dapagliflozine qui a obtenu l'autorisation de mise sur le marché dans cette nouvelle indication, le remboursement est attendu fin 2023/début 2024. L'arrivée des gliflozines pour ces stades peu évolués d'IC est une avancée. Jusqu'alors, il n'existait aucun traitement dans l'IC à FE préservée (> 49 %) et, quant à l'IC à FE modérément réduite (entre 40 et 49 %), le traitement était centré sur le contrôle de la volémie (diurétiques de l'anse, antialdostérone). « Le profil de ces patients est différent », rapporte la spécialiste. Ce sont plus volontiers des femmes, plus âgées, ayant une fibrillation atriale et/ou une insuffisance rénale chronique, obèses et hypertendues.

Attention à la iatrogénie

« Chez les sujets de plus de 65 ans, attention à la iatrogénie », met en garde la Dr Morio. Les patients âgés sont plus susceptibles d'être traités par des diurétiques et d'avoir une altération de la fonction rénale et/ou d'être traités par des médicaments qui peuvent entraîner une insuffisance rénale (IEC, ARA2, sacubitril + valsartan, aldactone).

Sachant qu'il n'y a pas d'ajustement de la dose selon l'état de la fonction rénale ou l'âge, « il faut faire attention, en particulier chez les patients à risque de déplétion volémique et/ou d'hypotension », indique la Dr Morio, en raison de l'effet diurétique et de la baisse modérée de la pression artérielle.

En cas d'événement entraînant une déplétion volémique, par exemple une maladie gastrointestinale, une surveillance attentive de l'état d'hydratation est recommandée. Cela passe par l'examen clinique, la mesure de la pression artérielle, le bilan biologique (hématocrite, ionogramme, créatinine). « Une interruption temporaire de la gliflozine est recommandée jusqu'à correction de la déplétion », précise la cardiologue.

Chez les patients âgés, l'introduction des traitements cardioprotecteurs doit rester prudente. « En général, on n'introduit pas IEC/ARA2/sacubitril + valsartan le même jour que la gliflozine ou l'antialdostérone. Si possible, penser à diminuer un peu la dose de furosémide lors de l'introduction », conseille-t-elle, avec une surveillance de la fonction rénale. Quant aux effets urogénitaux, la spécialiste préconise de les traiter et de tenter de poursuivre avant de discuter l'arrêt si récidive. 

D'après une communication au cours du webinaire « Perspectives Diabétologie et Gérontologie » du 9 mars 2023, organisé par la Société nantaise de formation en gériatrie (SNFG)

Dr I. D.

Source : Le Quotidien du médecin