LE CONCEPT, devenu slogan, « lower is better », qui a vu le jour à la suite d’études d’intervention avec des hypolipémiants, a été utilisé dans le domaine de l’hypertension à la suite de l’étude HOT (1). Cette étude a permis de proposer un objectif de pression artérielle diastolique à 80 mmHg, l’incidence des événements cardio-vasculaires majeurs étant alors diminuée de 51 % (p ‹0,005) par comparaison avec le groupe dont l’objectif était supérieur à 90 mmHg. Ces résultats allaient dans le même sens que ceux de l’étude UKPDS 38, selon laquelle un contrôle rigoureux de la pression artérielle diminue la mortalité et le risque de complications micro- et macrovasculaires (2).
Une courbe en J est possible.
Toutefois, une analyse rétrospective (3) du devenir de l’hypertension artérielle chez les patients revascularisés et non revascularisés, qui avait relevé un pronostic moins bon chez les premiers (en raison de la présence accrue de comorbidités et de facteurs de risque chez eux), a mis en évidence un phénomène évocateur de « courbe en J » dans les deux groupes. Ce phénomène, découvert par Cruickshank en 1987, mettait en garde contre un abaissement trop important de la pression artérielle diastolique, qui pouvait être responsable d’un risque accru de décès chez les coronariens (4). Les incertitudes sur le bénéfice d’un objectif tensionnel abaissé chez le diabétique de type 2 ont provoqué la mise en œuvre d’essais cliniques comme ADVANCE, dans lesquels les antihypertenseurs étaient utilisés sans imposer un objectif de la baisse tensionnelle (5).
Les résultats de l’étude Action to Control Cardiovascular Disease in Diabetes (ACCORD), dans laquelle 4 700 diabétiques ont été inclus pour une évaluation du traitement antihypertenseur, ont montré qu’à 5 ans, le taux d’événements cardio-vasculaires est le même chez les hypertendus traités avec un objectif tensionnel systolique inférieur à 140 ou à 120 mmHg (6). Dans le même esprit, dans l’étude ROADMAP, le bénéfice clinique obtenu sous olmésartan pour prévenir la microalbuminurie chez les diabétiques de type 2, très récemment mis en évidence, est apparu contrebalancé par une augmentation du nombre des événements cardio-vasculaires fatals, particulièrement chez les coronariens (7).
Enfin, les résultats de la toute récente étude randomisée VALISH n’ont pas mis en évidence de bénéfices à la mise en œuvre d’une stratégie thérapeutique cherchant à obtenir une pression artérielle inférieure à 140 mmHg, par comparaison à une stratégie ayant comme objectif une pression artérielle située entre 140 et 150 mmHg, chez des sujets âgés entre 70 et 84 ans (8).
La PAD, un facteur de risque peut-être non significatif
L’étude CREDO-Kyoto a montré que si la pression artérielle diastolique sous traitement est inférieure à 70 mmHg, l’insuffisance rénale, des lésions vasculaires et une dysfonction ventriculaire gauche systolique, sont d’importants facteurs causaux de décès cardio-vasculaires chez les patients revascularisés (9). Les résultats de cette étude suggèrent que, après ajustement pour ces facteurs de risque indépendants, une pression artérielle diastolique basse n’est peut-être pas un facteur de risque significatif de mortalité cardio-vasculaire.
Au total, il apparaît très difficile de répondre à la question de la valeur cible optimale du traitement antihypertenseur chez les hypertendus à risque élevé. La pression artérielle cible doit finalement rester réaliste, inférieure à 140/90 mmHg chez les hypertendus « tout venant » et « la plus basse possible » chez le diabétique. Un phénomène de courbe en J reste toutefois possible pour des niveaux tensionnels inférieurs à 120/75 mmHg, chez les coronariens ou les diabétiques…
D’après un entretien avec B. Vaïsse, Marseille.
(1) Hansson L. et coll. Lancet 1998;351:1755-62.
(2) UK Prospective Diabetes Study Group. BMJ 1998;317(7160):703-13.
(3) Denardo SJ, et coll. Hypertension 2009;53(4):624-30.
(4) Cruickshank JM, et coll. Lancet 1987;i (8533):581-4.
(5) The ADVANCE Collaborative Group. N Engl J Med 2008;358:2560-72.
(6) ACCORD Study Group, Cushman WC, Evans GW, et coll. N Engl J Med 2010;362(17):1575-85.
(7) Haller H, et coll. N Engl J Med 2011;364:907-17
(8) Ogihara T, et coll. Hypertension 2010;56(2):196-202.
(9) Kai H, et coll. J Hypertens 2011;29(10):1889-96.
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