Y a-t-il un intérêt à réaliser une cardioversion précoce aux urgences dans la fibrillation atriale (FA) d'apparition récente ? Alors que cette arythmie, la plus fréquente et à la prévalence croissante avec le vieillissement de la population, est un motif courant de consultation aux urgences, la cardioversion différée est une option pragmatique et séduisante.
Dans « The New England Journal of Medicine », l'étude néerlandaise RACE 7 coordonnée par le Pr Crijns confirme que ce type d'approche différée ne fait pas moins bien, la positionnant comme la stratégie à privilégier.
Le retour en rythme sinusal à 4 semaines s'est avéré de 91 % dans le groupe cardioversion différée versus 94 % dans le groupe cardioversion précoce. De plus, comme le retour en rythme sinusal survient le plus souvent spontanément, - dans 70 % des cas avant 48 heures dans le groupe cardioversion différée -, l'approche différée diminue non seulement le temps passé à l'hôpital (120 versus 158 minutes) mais aussi le risque de surtraitement.
Ne pas se précipiter
« La cardioversion est un vieux sujet, explique le Pr Ariel Cohen, chef de service de cardiologie à l'hôpital Saint-Antoine. Le maintien en FA ne diminue pas le risque thromboembolique, en particulier celui d'accident vasculaire cérébral. Une intervention précoce ne corrige pas non plus le remodelage de l'oreillette ni ne prévient le risque de récidive. Cette étude apporte la preuve qu'il n'y a pas de bénéfice à réduire précocement la FA récente ».
Dans l'étude RACE réalisée chez 437 patients consultant pour une FA dedurée <36 heures, la majorité des patients avaient déjà eu un épisode de FA. Les symptômes ayant conduit les patients à consulter aux urgences étaient les palpitations (87 %), la fatigue à l'effort (26 %), la dyspnée (23 %), une douleur thoracique (23 %). Un peu moins de la moitié étaient déjà anticoagulés, car ayant déjà présenté un épisode de FA, et majoritairement par anticoagulants oraux directs (AOD).
Cardioversion pharmacologique
La prise en charge différée (n =218) consistait en un traitement ralentisseur (bêta-bloquants de façon prépondérante, inhibiteurs calciques ou digoxine) visant une fréquence cardiaque <110 bpm et le soulagement des symptômes. Une fois l'état clinique stabilisé, les patients rentraient à domicile et une visite de contrôle était programmée à 48 heures. Si la FA était toujours présente à l'ECG lors de cette consultation, les patients étaient réadressés aux urgences pour une cardioversion.
Dans le groupe cardioversion précoce, la cardioversion était de préférence pharmacologique (par flécaïnide) ou électrique en cas de contre-indication ou d'échec à la première. Comme le risque embolique est considéré comme faible en cas de FA récente, aucun patient n'a eu d'échographie transœsophagienne (ETO) pour vérifier l'absence de thrombus dans l'oreillette ou l'auricule gauche.
Simplifier la prise en charge aux urgences
Sur le plan pratique, ces résultats vont dans le sens d'une prise en charge simplifiée de la FA récente. « Si la FA est bien tolérée et survient sur cœur sain, l'urgentiste peut ne pas hospitaliser le patient et différer la tentative de cardioversion, confirme le cardiologue parisien. Le traitement initial repose sur un anticoagulant et un traitement ralentisseur avec une visite de contrôle à 48 heures. Tous les patients ayant une FA récente doivent être traité spar anticoagulants, quel que soit le score de risque thrombo-embolique calculé (CHA2DS2-VASc). Ce n'est qu'à 4 semaines, au décours de la cardioversion, que le cardiologue décide de poursuivre ou non l'anticoagulation, en fonction du score de risque (CHA2DS2-VASc) ».
La cardioversion précoce garde sa place dans la FA hémodynamiquement instable et en cas de FA≥48 heures soit déjà traitée par anticoagulant soit sans thrombus atrial gauche au contrôle ETO. Pour le Pr Ariel Cohen, l'une des originalités de RACE 7 est d'avoir sauté le pas vers les anticoagulants oraux directs (AOD) dans la FA récente avec indication à une cardioversion précoce. « Les patients déjà sous AVK ou AOD poursuivaient leur traitement, explique Ariel Cohen. Mais pour les non traités, il était autorisé d'introduire des AOD, ce qu'ont fait les investigateurs. C'est ce que suggèrent les recommandations européennes et américaines et cela correspond aussi à ce que nous faisons en pratique ».
NEJM. N Pluymaekers et al. Publié le 18/03/2019. DOI:10.1056/NEJMoa1900353
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