« LE MÉDECIN GÉNÉRALISTE a une place centrale dans la prévention et le dépistage de l’hypertension artérielle », constate le Dr Stéphane Oustric (Toulouse). En France, 92 % des actes de médecine générale concernent l’hypertension artérielle et 90 % des hypertendus sont dépistés, traités et suivis par leur généraliste. Le recours à l’hypertensiologue n’intervient que dans 10 % des cas. Le généraliste est aussi en première place pour la coordination des soins. D’ailleurs, depuis la loi HPST de juillet 2009, une obligation légale lui impose de coordonner les soins et d’assurer leur traçabilité. En ce qui concerne la poussée hypertensive, la responsabilité médico-légale du médecin généraliste implique de répondre à plusieurs problématiques en soins primaires : toute poussée hypertensive est-elle une urgence ? À partir de quel niveau de pression artérielle (PA) faut-il intervenir en urgence ? Quels facteurs de risque, quels signes cliniques associés faut-il prendre en compte ? Quels sont les différents niveaux de recours ? À qui adresser le patient et dans quel délai ? Les Drs Bruno Schnebert (cardiologue, Orléans) et Jean-Pierre Lebeau (généraliste, Vendôme) ont réuni leurs expériences pour proposer une réponse à ces questions.
Quand évoquer une poussée hypertensive ?
De nombreux signes peuvent évoquer une poussée d’hypertension, mais les symptômes les plus fréquemment évoqués sont les céphalées matinales, les sensations ébrieuses, les épistaxis, les acouphènes et la nervosité. Dans une étude allemande qui a regroupé près de 4 000 médecins généralistes et plus de 50 000 patients hypertendus, le nombre de symptômes ont augmenté avec la sévérité de l’hypertension, mais seules les céphalées et les vertiges ont été significativement corrélés aux chiffres de pression artérielle diastolique en soins primaires (1).
Pas toujours une urgence.
En fonction des chiffres tensionnels et des signes associés, deux types de poussées tensionnelles peuvent être dissociés. L’élévation tensionnelle (› 180/110 mmHg) sans souffrance viscérale ne met pas en jeu le pronostic vital. Elle ne doit pas être confondue avec l’élévation tensionnelle avec souffrance viscérale. Dans ce dernier cas, les chiffres tensionnels sont plus élevés (› 200/130 mmHg) et la souffrance viscérale peut se traduire par des signes neurologiques (AVC ischémique ou hémorragique, encéphalopathie) ou par des signes cardiovasculaires (dissection de l’aorte, œdème aigu du poumon, angor instable). Le pronostic vital est en jeu : c’est l’urgence hypertensive vraie (UHV).
Selon le recueil des urgences de Turin, les urgences hypertensives dans leur ensemble ne représentent que 3 % des urgences médico-chirurgicales et parmi celles-ci, 25 % seulement sont des UHV avec souffrance viscérale (AVC : 24 %, œdème aigu du poumon – OAP : 23 %, encéphalopathie : 16 %) (2). Les autres sont des poussées tensionnelles sans souffrance viscérale. À noter que les patients sont arrivés aux Urgences sans connaître leur hypertension dans 25 % des UHV et dans 8 % des poussées tensionnelles simples.
Une étude de même type réalisée à Paris (Hôtel-Dieu) a relevé que parmi les 3,6 % de passages aux Urgences dus à une PA élevée, 8 % étaient des UHV et 92 % des poussées tensionnelles simples (3). Même si ces deux études donnent des résultats un peu différents (ce qui pourrait s’expliquer par une définition plus stricte de l’UHV dans l’étude parisienne), les deux sources concordent pour constater une très forte prévalence des poussées tensionnelles simples.
Que faire en pratique ?
L’attitude à avoir devant une poussée tensionnelle dépend de la présence ou non de signes de souffrance viscérale associés. En cas de poussée tensionnelle simple, un repos de quelques heures avec une surveillance du patient et réévaluation après la phase de repos sont suffisants. Si les valeurs de la PA restent élevées, les recommandations concernant la prise en charge de l’hypertension artérielle s’appliquent. « Pas de traitement d’action rapide par voie orale ou injectable, rappelle Bruno Schnebert. La nifédipine per os peut induire une hypotension symptomatique avec sévère ischémie cérébrale ou cardiaque (4). Un traitement oral progressif est recommandé. » L’urgence hypertensive vraie avec souffrance viscérale n’est pas du ressort de la médecine nécessite et nécessite le transfert vers une unité de soins intensifs. En attendant, le bilan initial est capital et il est important de réunir les éléments du diagnostic (antécédents, PA initiale, description de la souffrance viscérale, recensement des traitements antérieurs). « Dans ce cas-là aussi, la capsule de nifédipine orale ou sublinguale est contre-indiquée. En cas de déficit neurologique, aucun traitement ne doit être prescrit. En cas d’OAP ou de douleur thoracique, un diurétique ou un dérivé nitré peuvent être préconisés. »
Session « Médecine générale : idées reçues dans l’hypertension artérielle ».
(1) Middeke M et coll. J Hum Hypertens 2008 ; 22 : 252-8.
(2) Zampaglione B et coll. Hypertension 1996 ; 27 : 144-7.
(3) Blacher J. JHTA 2008.
(4) Grossman E et coll. JAMA 1996 ; 276 : 1996.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?