Comment améliorer l’estimation du risque cardiovasculaire ? Une étude prospective de chercheurs de l’Inserm, de l’Université de Lorraine et du CHRU de Nancy, publiée au milieu du mois dans eBioMedicine (1), suggère de prendre en compte un indicateur de la rigidité artérielle, l’indice vasculaire cardio/cheville (ou Cavi pour Cardio ankle vascular index).
Le calcul du Cavi prend en compte la densité sanguine, le pouls, la pression artérielle systolique et diastolique, et la vitesse d’onde de pouls de l’origine de l’aorte à l’artère tibiale. Pour mémoire, la mesure est réalisée par le biais de deux brassards disposés autour de chaque bras ainsi que de deux autres au niveau des chevilles et d’un microphone disposé au niveau du cœur. Plus le résultat obtenu est élevé, plus la rigidité artérielle apparaît forte.
Une méthode peu invasive
Cette méthode d’estimation de la rigidité artérielle a suscité l’intérêt des chercheurs dans la mesure où elle est peu invasive et précise. De précédentes études ont laissé entendre que le Cavi pouvait refléter le risque cardiovasculaire global des individus. Des travaux – en particulier asiatiques – ont confirmé que la rigidité vasculaire estimée par le Cavi était augmentée non seulement par l’âge, mais aussi par divers facteurs de risque cardiovasculaires modifiables (hypertension artérielle, diabète, tour de taille), ainsi qu’en cas d’athérosclérose. Et une méta-analyse de petites études prospectives, conduites dans des populations spécifiques, a suggéré une association, certes modeste mais directe, entre Cavi et risque cardiovasculaire.
Toutefois, restait à confirmer la capacité du Cavi à prédire le risque cardiovasculaire en population générale – notamment dans des populations non asiatiques – par des études plus vastes. C’est chose faite avec cette nouvelle publication évaluant l’association entre Cavi et morbimortalité cardiovasculaire (critère de jugement principal) et mortalité toutes causes (critère secondaire), dans une cohorte de 1 250 personnes de plus de 40 ans, vivant dans 18 pays européens et participant à l’étude Triple-A-Stiffness, au sein de laquelle la prévalence de facteurs de risque cardiovasculaires apparaissait accrue.
Ces participants ont bénéficié d’une estimation de leur Cavi (calculé automatiquement par le système VaSera) et ont été suivis pendant une période de deux à cinq ans (durée médiane de 3,82 ans). Ils ont été stratifiés en trois groupes : ceux ayant un Cavi inférieur à 8, compris entre 8 et 9, ou supérieur à 9.
Résultat : globalement, parmi les patients présentant un Cavi supérieur à 9, les taux d’incidence cumulés de morbimortalité cardiovasculaire et de décès toutes causes étaient plus élevés que dans les deux autres groupes. Et à partir de 60 ans, chaque augmentation d’un point de l’indice Cavi (correspondant à une augmentation d’environ 10 % de la rigidité artérielle) s’accompagnait d’une augmentation du risque de survenue d’évènements cardiovasculaires de 25 % et d’une augmentation du risque de survenue de décès de 37 %.
Une valeur seuil à 9,25
Une valeur seuil associée à un risque cardiovasculaire élevé semble se dégager : un indice Cavi supérieur à 9,25 était associé à un risque de morbimortalité cardiovasculaire élevé à partir de 60 ans. Par ailleurs, toujours à partir de 60 ans, un Cavi supérieur à 9,95 prédisait un fort risque de décès toutes causes.
Si, là encore, l’étude confirme par exemple que l’hypertension artérielle fait augmenter le Cavi, la prise en charge médicamenteuse de facteurs de risque cardiovasculaires a, au contraire, un effet bénéfique contre la rigidité artérielle. Les traitements hypocholestérolémiants ou antidiabétiques sont donc associés à une réduction du Cavi.
Ainsi, « nos résultats suggèrent que l’indice Cavi pourrait être un outil de mesure de prédiction du risque cardiovasculaire, facile, rapide et non invasif. Son recours pourrait figurer à l’avenir parmi la liste des examens recommandés en clinique pour prédire le risque cardiovasculaire d’une personne et lui apporter un suivi préventif », explique à l’Inserm Magnus Bäck, premier auteur de l’étude. Des études de plus grande envergure sont toutefois requises, notamment afin de s’assurer de l’intérêt de ce biomarqueur chez les personnes de moins de 60 ans. Trop peu d’évènements cardiaques étant survenus au cours du présent travail afin d’établir véritablement l’intérêt prédictif potentiel du Cavi dans ce contexte.
Magnus Bäck, et al. Cardio-ankle vascular index for predicting cardiovascular morbimortality and determinants for its progression in the prospective advanced approach to arterial stiffness (TRIPLE-A-Stiffness) study. eBioMedicine. Online First, 105107
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