L’aficamten, nouvelle arme dans la cardiomyopathie hypertrophique obstructive ?

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Publié le 25/06/2024
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Avec des résultats positifs publiés le 13 mai dernier dans le New England Journal of Medicine, l’aficamten pourrait être le deuxième représentant de la classe pharmacologique des inhibiteurs sélectifs de la myosine cardiaque, pour le traitement de la cardiomyopathie hypertrophique obstructive.

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Décrite pour la première fois à la fin des années 1950, la cardiomyopathie hypertrophique obstructive est caractérisée par un épaississement anormal des parois du cœur, essentiellement [du] ventricule gauche, prédominant le plus souvent au niveau du septum interventriculaire en l’absence de charge. Cette hypertrophie du ventricule gauche conduit à une obstruction de la voie d’éjection du ventricule gauche, à un accroissement de la pression intracardiaque, et ainsi, chez certains patients, à des limitations fonctionnelles importantes et à une intolérance à l’exercice physique.

Cette pathologie demeure la plus fréquente des pathologies cardiaques génétiques – avec un taux de prévalence estimé par Orphanet d’un individu sur 500, dans la population générale – et l’une des principales causes de mort subite chez les sujets jeunes, et en particulier chez les sportifs.

L’arsenal thérapeutique en passe de s’étoffer ?

Problème : l’arsenal thérapeutique pharmacologique reste restreint. En effet, seuls des traitements pharmacologiques symptomatiques tels que les bêtabloquants, le vérapramil, etc. sont actuellement disponibles. Or ceux-ci s’avèrent souvent insuffisamment efficaces, même en association, et nécessitent de recourir à des mesures plus invasives (implantation d’un défibrillateur, myomectomie, alcoolisation coronaire, stimulation cardiaque).

Plusieurs candidats traitements sont à l’étude. Citons des approches de thérapie génique, et surtout une nouvelle classe pharmacologique : les inhibiteurs sélectifs de la myosine cardiaque. Le principe est d’abaisser le niveau de contractilité cardiaque, pour réduire la pression intracardiaque et ainsi le gradient de pression dans le ventricule gauche. Un premier représentant de cette classe, le mavacamten, a reçu une AMM et, fin 2023, avec une autorisation d’accès précoce post-AMM en France.

Un autre candidat de cette classe, l’aficamten, a été évalué dans l’essai de phase 3 Sequoia-HCM – randomisé, contrôlé, en double aveugle. Dans ce cadre, 282 adultes de 59 ans d’âge médian atteints de cardiomyopathie chronique obstructive symptomatique (avec en moyenne un gradient intraventriculaire au repos de 55,1 mmHg et une fraction d’éjection du ventricule gauche de 74,8 %) ont été recrutés et randomisés. Ils ont reçu pendant 24 semaines, en plus de leur traitement habituel, soit un placebo, soit de l’aficamten à la dose initiale de 5 mg par jour – avec escalade de dose possible, en fonction des résultats d’échographie, jusqu’à la posologie maximale de 20 mg par jour.

Amélioration du pic VO2

Le critère de jugement principal concernait toute amélioration de la consommation maximale d’oxygène d’effort (pic VO2) mesuré par un test d’effort cardiopulmonaire, avec dix critères secondaires : amélioration de la qualité de vie (estimée par le score KCCQ-CSS), de la classe NYHA, du gradient intraventriculaire après épreuve de Valsalva, etc. À noter que ces critères sont pour la plupart différents de ceux qui avaient été utilisés par les instigateurs des essais du mavacamten – le critère d’évaluation principal était composite, comprenant la proportion de patients à présenter une amélioration du pic de VO≥ 1,5 ml/kg/min et une amélioration de la classe NYHA, ou une amélioration du pic de VO≥ 3,0 ml/kg/min et sans aggravation de la classe NYHA.

Finalement, l’essai a bien atteint son critère de jugement principal : l’aficamten a permis une amélioration du pic VO2 en comparaison au placebo. À 24 semaines, le changement moyen du pic VO2 était d’1,8 mL/kg/min dans le groupe aficamten, et de 0,0 ml/kg/min dans le bras placebo.

Amélioration de la qualité de vie

Les dix critères secondaires étaient aussi atteints : la qualité de vie était améliorée (gain de 11 points au score KCCQ dans le bras aficamten, contre 5 dans le groupe placebo), amélioration d’au moins une classe NYHA (chez plus de 58 % des patients du bras aficamten, contre 24 % dans le bras placebo), et surtout réduction de plus de 47 mmHg du gradient intraventriculaire après épreuve de Valsava (contre une augmentation d’environ 2 mmHg dans le bras placebo).

Le profil de sécurité apparaissait rassurant. Selon l’étude, « l’incidence des effets indésirables apparaissait similaire dans les deux groupes ». Leur fréquence était toutefois élevée (supérieure à 70 % dans les deux bras).

Reste à s’assurer de l’efficacité et de la sécurité du médicament à plus long terme. D’autant que certains participants du bras aficamten n’ont pas manifesté d’amélioration de la classe NYHA. Des études comparant ce médicament aux traitements symptomatiques existants, voire au mavacamten, sont par ailleurs requises.

Martin S. Maron, M.D., et al. Aficamten for Symptomatic Obstructive Hypertrophic Cardiomyopathy, N Engl J Med 2024;390:1849-1861

Irène Lacamp

Source : lequotidiendumedecin.fr