Alors que le tabagisme, très prévalent dans la population mondiale et française, est reconnu comme un facteur de risque de maladie cardiovasculaire, son effet sur le pronostic des fumeurs manifestant un évènement cardiaque aigu demeure méconnu. Quelques études ont en effet décrit un « paradoxe du fumeur », selon lequel certains consommateurs de cigarettes ou de cigares présenteraient des chances de survies accrues lors d’un infarctus du myocarde, par rapport à des non-fumeurs. Si diverses hypothèses sont avancées pour expliquer ce phénomène, cette controverse pointe le besoin de mieux prédire le pronostic des fumeurs hospitalisés pour un évènement cardiaque aigu.
Le monoxyde de carbone (CO) expiré pourrait constituer un biomarqueur prometteur. Le CO produit par les cigarettes et cigares est absorbé par les fumeurs par inhalation. Si bien que, chez eux, les concentrations de CO sont étroitement liées aux consommations de tabac (quantité de cigarettes fumées, délai depuis la dernière cigarette fumée, etc.). En outre, l’effet cardiovasculaire du CO, associé à une moindre capacité d’oxygénation, est bien décrit. Enfin, la mesure des concentrations de CO dans l’air expiré est simple – elle est déjà réalisée afin de préciser le statut tabagique des fumeurs.
Ici, les auteurs de cette présente étude émettent l’idée selon laquelle des concentrations élevées de CO dans l’air expiré par les fumeurs pourraient être associées à un moins bon pronostic (1). D’où l’objectif d’évaluer l’association entre concentrations de CO expiré et risque de mortalité toutes causes à un an chez des patients admis en unité de soins cardiaques intensifs pour un évènement cardiaque aigu.
Un seuil de 11 ppm de CO
Pour ce faire, une étude de cohorte prospective multicentrique a été conduite en avril 2021. Près de 1 380 patients – dont 70 % d’hommes de 63 ans d’âge moyen et 368 fumeurs actifs – hospitalisés pour évènement cardiaque aigu ont été inclus dans 39 centres français et leur concentration de CO expiré mesurée. Le critère de jugement principal concernait les décès toutes causes à un an. Les évènements cardiaques indésirables majeurs (décès, arrêt cardiaque réanimé, choc cardiogénique) survenus lors de l’hospitalisation initiale ont aussi été analysés.
Les résultats confirment l’intérêt de la mesure du CO expiré pour prédire le pronostic des fumeurs admis pour évènement cardiaque aigu. Sans surprise, les concentrations de CO étaient bel et bien augmentées chez les fumeurs actifs, en comparaison aux non-fumeurs. Et, surtout, des concentrations de CO expiré supérieures à 11 ppm – relevées chez environ un quart des fumeurs – étaient associées à un surrisque de décès significatif par rapport à des concentrations moindres : après ajustement sur la présence de comorbidités, la sévérité de l’évènement initial, etc., le risque de décès toutes causes restait multiplié par un facteur proche de six (HR = 5,92) en ce cas.
En outre, ce niveau de concentration de CO > 11 ppm était lié à un risque d’évènement cardiaque majeur lors de l’hospitalisation initiale dix fois supérieur à des concentrations inférieures.
Meilleur facteur pronostic que le tabagisme lui-même
« Dans la population globale d’étude, une concentration de CO > 11 ppm, mais pas le fait de fumer, était associée à une augmentation du taux de décès toutes causes confondues », soulignent les auteurs : des concentrations de CO élevées dans l’air expiré consistent en un facteur pronostic puissant, meilleur que le statut tabagique pour déterminer le risque de décès à un an après un premier évènement cardiaque aigu.
(1) G Dillinger, T Pezel, C Delmas et al., Carbon monoxide and prognosis in smokers hospitalised with acute cardiac events : a multicentre, prospective cohort study, eClinicalMedicine, Volume 67, 102401, January 2024
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