Lors de son récent décès survenu le 16 février 2024, l’inventeur de la technique d’implantation de valve aortique par voie percutanée (Tavi), le Pr Alain Cribier, cardiologue au CHU de Rouen, qui avait reçu le prix Honoris Causa par l’Académie de médecine (décerné seulement sept fois en 200 ans sur toutes les disciplines), a recueilli des hommages du monde entier.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : « Plus de trois millions de patients ont été traités par Tavi dans le monde. En France, 54 centres le proposent, pour environ 18 000 gestes réalisés en 2023. Cette technique est désormais plus fréquemment choisie que la chirurgie en cas de rétrécissement aortique. Le Tavi est recommandé comme traitement de première intention chez les patients de 75 ans ou chez les plus jeunes, mais fragiles », souligne la Pr Hélène Eltchaninoff (CHU de Rouen).
Valves mitrales et tricuspides
Si le Tavi a gagné ses lettres de noblesse en l’espace de vingt ans, c’est en raison de son efficacité (au moins équivalente à la chirurgie) et de sa simplicité pour le patient : il ne requiert qu’une anesthésie locale, l’intervention dure en moyenne 45 minutes, il n’y a pas de cicatrice sur le thorax et les patients sortent entre J1 et J3 de l’hôpital, d’où une reprise plus rapide de l’activité et un coût hospitalier moindre.
« Avec le Tavi, le Pr Cribier a ouvert le champ d’une nouvelle discipline : le traitement non chirurgical des valves cardiaques. L’imagerie cardiaque spécifique s’est développée et des prothèses valvulaires ont été mises au point. Aujourd’hui, en plus des valves aortiques, il est possible d’intervenir sur des valves mitrales et tricuspides. Les cardiologues s’y sont mis. À Rouen, nous pratiquons ce type d’interventions percutanées chez une douzaine de patients par semaine ; c’est dire si la technique s’est bien démocratisée », observe la Pr Eltchaninoff.
Si l’indication phare pour la valve aortique est le rétrécissement aortique, le rétrécissement mitral est devenu très rare en Europe – du fait de la quasi-disparition du rhumatisme articulaire aigu. « L’insuffisance mitrale inopérable ainsi que l’insuffisance mitrale secondaire à une dilatation cardiaque – sous réserve que le patient reçoive un traitement cardiaque bien conduit, que son ventricule gauche ne soit pas trop altéré – sont donc devenues les principales indications de réparation mitrale (clip) en percutané », détaille la Pr Eltchaninoff.
En ce qui concerne la valve tricuspide, il existe également des dispositifs (clips) ayant le marquage CE, utilisés en France dans quelques centres ou dans le cadre d’un essai multicentrique dont les résultats sont attendus prochainement. Des prothèses – dispositifs autres que les clips – sont également en cours de développement.
« Les patients qui ont reçu une bioprothèse aortique, mitrale ou tricuspide au cours d’une chirurgie et qui, des années plus tard, doivent faire face à une dégénérescence de celle-ci, peuvent aussi bénéficier d’une implantation percutanée d’une valve à l’intérieur de la prothèse », indique la Pr Eltchaninoff.
Vingt-deux ans d’avancées
Avec sa première invention de dilatation au ballonnet en 1985 pour un rétrécissement aortique, le Pr Cribier ne se doutait peut-être pas encore qu’il ouvrait le champ d’une nouvelle discipline qui allait connaître un essor considérable ! Auparavant, intervenir sur des valves nécessitait une opération lourde, à cœur ouvert, avec sternotomie, anesthésie générale, réanimation postchirurgicale et hospitalisation d’une semaine environ ; dans les faits, bon nombre de patients n’étaient même pas soignés car non opérables. La dilatation aortique proposée par le Pr Cribier a d’abord permis d’en sauver un certain nombre.
Seul bémol : celui de la resténose, raison pour laquelle le Pr Cribier a cherché à développer une solution plus pérenne. La prouesse a eu lieu le 16 avril 2002 à Rouen, avec la première implantation d’une valve percutanée (de 2 cm de diamètre environ une fois ouverte), placée dans le cœur en passant par l’artère fémorale. Le Tavi était né ! « Nous étions alors les seuls au monde à le faire, et avions l’autorisation uniquement pour des malades avec une espérance de vie limitée à deux semaines, à titre compassionnel », relate la Pr Eltchaninoff.
En 2002, nous étions à Rouen les seuls au monde à poser des Tavi, et uniquement à titre compassionnel
Pr Hélène Eltchaninoff
Depuis, de larges études ont comparé le Tavi au traitement médical seul, puis à la chirurgie chez des patients à risque et enfin chez des patients tout-venant de plus de 75 ans. À la lumière de leurs excellents résultats, les recommandations européennes préconisent aujourd’hui cette procédure en première intention chez les patients de 75 ans et plus, après discussion entre médecins, chirurgiens et en prenant en considération les souhaits du patient.
Entretien avec la Pr Hélène Eltchaninoff (CHU de Rouen)
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