La consommation de drogues est de plus en plus alarmante en France : le taux de prévalence de l’usage de substances illicites atteint près de 11,5 % de la population, soit davantage qu’en Italie, au Royaume-Uni ou en Allemagne. Or, les drogues psychoactives sont associées à des complications cardiaques potentiellement mortelles.
La prévalence exacte de l’usage récréatif de drogues parmi les sujets admis en unité de soins intensifs cardiaques (Usic) restait méconnue, de même que le pronostic de ces patients. Pour combler ces lacunes, l’étude Addict-Iccu a été conduite dans 39 unités de soins intensifs de cardiologie (Usic) de France, entre le 7 et le 22 avril 2021 (1, 2). Tous les patients admis ont été soumis de façon prospective à un questionnaire, sur leur consommation de substance ainsi qu’à un test urinaire toxicologique (à la recherche de cannabinoïdes, opioïdes, amphétamines, MDMA). L’incidence d’évènements indésirables majeurs hospitaliers (décès, arrêt cardiaque récupéré ou choc) a été analysée.
Les premières données ont révélé que 11 % des près de 1 500 patients admis en Usic pendant la période d’étude étaient positifs à des drogues (1). Cependant, seuls 6 % reconnaissaient en avoir consommé. Le cannabis était la première substance retrouvée, chez 9,1 % des participants, loin devant les opioïdes (chez 2,1 % des patients), la cocaïne (1,7 %), les amphétamines ou la MDMA (moins de 1 %) – un quart des patients étaient positifs pour plusieurs drogues.
La seconde partie de ce travail révèle que les patients positifs aux substances présentaient un moins bon pronostic que ceux qui n’en avaient pas pris : globalement, parmi les usagers, le taux d’incidence des évènements indésirables majeurs hospitaliers atteignait 13 % – contre 3 % chez les patients n’ayant pas consommé de drogue (2). Après analyse multivariée et ajustement sur les comorbidités, la détection de drogues récréatives était associée à de manière indépendante à la survenue d’évènements indésirables majeurs (décès, arrêt cardiaque récupéré ou choc cardiogénique) à l’hôpital : OR = 8,84. Et ce chiffre augmentait encore en cas de consommations multiples : OR = 12,7. Pourtant, les participants positifs aux drogues apparaissaient plus jeunes que les autres et présentaient moins de comorbidités.
Plus spécifiquement, parmi 325 patients hospitalisés pour infarctus du myocarde ST+, 12,6 % étaient positifs aux drogues. Là aussi, leur risque d’évènement cardiovasculaire hospitalier était multiplié par 13 (OR = 13,1). Près de 10 % des consommateurs manifestaient aussi une arythmie ventriculaire – contre 1,4 % seulement des non-consommateurs. Et ce, bien que les usagers de substance étaient, là encore, plus jeunes que les autres patients.
À prendre en compte dans la stratification du risque
Au total, les auteurs plaident pour que la consommation de drogues – associée à un surrisque de complications hospitalières graves – soit davantage prise en compte pour estimer le pronostic des patients admis en Usic en particulier pour Stemi, orienter leur traitement et la surveillance. Au regard de la sous-déclaration de l’usage de drogues retrouvée dans l’étude, un recours plus systématique à des tests toxicologiques pourrait être envisagé.
(1) Théo Pézel, et al. Prevalence and impact of recreational drug use in patients with acute cardiovascular events. Heart. 2023 Oct 12;109(21):1608-1616
(2) Arthur Clement, Jean-Guillaume Dillinger, Arthur Tamonatxo et al. In-hospital prognosis of acute ST-elevation myocardial infarction in patients with recent recreational drug use. Eur Heart J Acute Cardiovasc Care. 2024 Feb 21:zuae024
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