En matière de prise en charge de l'HTA, la place de la France n'a cessé de se dégrader depuis une décennie. Le Canada occupe la première place, mais la France n'est que vingtième sur vingt-huit ! « L'une des raisons qui explique cette régression est le fait que les laboratoires n'informent plus les médecins des progrès thérapeutiques dans l'HTA depuis une dizaine d'années. Les médicaments génériques ont permis de faire un milliard d'économie à la sécurité sociale entre 2012 et 2015 sur l'HTA. Mais aucune part de cet argent n'a été consacrée à la formation, alors qu’elle est pourtant nécessaire », note le Pr Girerd.
Recourir à la télé-expertise
Bien que les bithérapies soient conseillées en cas de monothérapie ne permettant pas la normalisation de la tension artérielle, encore trop de médecins préfèrent augmenter la posologie du traitement en monothérapie ou ne rien faire, par peur des effets secondaires. Ils pourraient pourtant facilement demander un avis d'expert via la télé-expertise. « La télé-expertise n'est pas assez utilisée, alors que le médecin est rémunéré 10 € par l'Assurance-maladie pour solliciter un avis d'expert, confirme le Pr Gired. Ainsi, devant un patient non équilibré en dépit d'un traitement, il peut obtenir un conseil d'expert en moins de 24 heures sur une plateforme de télé-expertise comme omnidoc.fr, alors qu'il faudra peut-être plusieurs mois pour avoir un rendez-vous chez le cardiologue. Pour faciliter la réponse de l'expert, il suffit de préciser le problème tensionnel rencontré, le traitement prescrit, les résultats d'automesure et le bilan biologique (notamment la kaliémie et la fonction rénale) ».
Inciter à l’automesure
Une autre piste d'amélioration est l'automesure à domicile. « Les patients n'utilisent pas assez les tensiomètres automatiques pour réaliser des automesures à domicile (trois relevés matin et soir pendant trois jours), alors que leur efficacité est prouvée et que c'est un bon moyen d'éliminer un effet blouse blanche. Il n'y a pas besoin d'acheter un appareil coûteux trop sophistiqué et, de fait, inutilisable par des personnes peu technophiles. Pour 30 à 50 euros, on trouve des tensiomètres de bras très corrects et faciles d'utilisation », insiste le Pr Gired. En outre, des applications gratuites existent pour faciliter l'automesure du patient : « depistHTA » détaille comment s'y prendre et « suiviHTA » (téléchargée 150 000 fois en un an) permet d'éditer un rapport comprenant notamment le rappel des chiffres relevés, la moyenne tensionnelle et des conseils personnalisés.
Sensibiliser les patients réticents aux traitements
Certains patients préfèrent ne pas être dépistés parce qu'ils craignent les effets secondaires des traitements ou pensent, à tort, qu'ils vont pouvoir tout régler eux-mêmes, en se remettant au sport par exemple. « Chez les patients se plaignant de céphalées, il y a moyen de les motiver en leur rappelant que, sous traitement antihypertenseur bien conduit, leur mal de tête va disparaître », souligne le Pr Girerd. Contre la peur des effets secondaires, il faut mettre en balance le fait que l'HTA non traitée expose aussi à des risques de complications. De plus, les effets secondaires des médicaments ne sont pas inéluctables et il est de toute façon possible, si besoin, de changer de traitement pour un autre mieux toléré. Il reste enfin le vaste problème à régler des cinq millions d'hypertendus qui s'ignorent, faute de trouver un médecin traitant, ou d'être vus par un médecin du travail… « Les campagnes classiques pour inciter au dépistage ne fonctionnent plus. En revanche, les campagnes d'auto-dépistage en entreprise, avec un webinaire d'information et un tensiomètre offert aux salariés qui acceptent de se faire dépister, remportent un grand succès ! Il faut donc continuer dans cette voie pour toucher un maximum d'hypertendus qui s'ignorent », conclut le Pr Gired.
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