Malgré les nombreux progrès faits dans la compréhension de la maladie, l’hypertension artérielle (HTA) demeure la principale cause modifiable de maladie cardiovasculaire et de mortalité toute cause en Europe et dans le monde. Cette problématique est essentiellement liée à la proportion de malades insuffisamment traités estimée à plus de 50 %. Ainsi, après une précédente version en 2013, sous l’égide de la Société Européenne de Cardiologie (ESC) et de la Société Européenne d’Hypertension artérielle (ESH), les experts européens en hypertension artérielle ont mis à jour leurs recommandations en 2018 (1).
Des mesures standardisées de la pression artérielle
Un dépistage annuel de l’hypertension artérielle est recommandé dès 18 ans avec la réalisation d’une mesure clinique au cabinet. Il est à renouveler dans un intervalle allant de 1 à 5 ans selon la nature « optimale » (< 120 mmHg), « normale » (120-129 mmHg), ou « normale haute » (130-139 mmHg) de la première mesure de la pression artérielle (PA) systolique. En dehors des cas d’hypertension sévère (PA > 180/110mmHg), les experts insistent sur une standardisation de la mesure des chiffres de PA en mesure clinique, au cabinet. Elle doit être réalisée chez un patient en position assise ou couchée, après 5 minutes de repos, chez lequel sont réalisées au moins 3 mesures de pression artérielle d’affilée, à intervalle d’1 à 2 minutes et dont les chiffres retenus seront définis par la moyenne des différentes mesures, en excluant la première. L’indication d’un traitement pharmacologique d’emblée reste indiscutable devant des HTA de grade II (PAS > 160 mmHg) et III (PAS > 180 mmHg). Cette dernière est plus nuancée dans les cas d’HTA de grade I (140 mmHg < PAS < 159 mmHg) et repose sur une évaluation individuelle de chaque patient. La recherche de signes de complications d’HTA à valeur pronostique peut alors aider à guider une prescription (hypertrophie ventriculaire gauche échocardiographique, néphropathie vasculaire, rétinopathie hypertensive). Une réévaluation tensionnelle, après mise en place des mesures non médicamenteuses (nutritionnelles, diététiques, sportives), est recommandée dans des cas d’HTA de grade I chez des malades à faible risque cardiovasculaire. Depuis les résultats de l’étude HYVET en 2008, un traitement est recommandé en cas de PA systolique dépassant 160 mmHg, chez les patients âgés de 80 ans ou plus en bon état général. Les mesures ambulatoires (MAPA ou auto-mesure tensionnelle) sont présentées comme de précieux outils dans l’étape diagnostique.
Quels objectifs tensionnels ?
Comme en 2013, les objectifs tensionnels sont maintenus en dessous de 140/90 mmHg en mesure clinique. Il s’agit d’une cible première qui pourrait être ensuite abaissée jusqu’à 130/80 mmHg, sous réserve d’une bonne tolérance du traitement (grade Ia). La PA diastolique est quant à elle souhaitée en dessous de 80 mmHg. Un objectif de PA systolique entre 120 et 129 mmHg pourrait même être visé chez des sujets de moins de 65 ans, déjà traités. Il n’est pas recommandé d’aller en dessous de 120 mmHg. Ces nouveautés sont issues des résultats de l’étude SPRINT qui en comparant une stratégie conventionnelle (< 140 mmHg) à une stratégie thérapeutique plus intensive (< 120 mmHg) retrouve une baisse significative de la morbidité cardiovasculaire et de la mortalité globale, tout en étant associée à une proportion d’effets indésirables plus importante. Les recommandations américaines de 2017 vont dans ce sens en fixant d’emblée un objectif < 130/80 mmHg.
Une bithérapie d’emblée
L’association d’un bloqueur du système rénine-angiotensine-aldostérone (SRAA) et d’un inhibiteur calcique ou d’un diurétique en bithérapie est maintenant recommandée d’emblée en première intention (Ia). Seuls les patients âgés (sans seuil d’âge précis retenu) et ceux à faible risque cardiovasculaire, présentant une HTA de grade I, peuvent bénéficier d’une monothérapie. La consommation de sel est limitée à 5 g par jour et d’alcool à 14 et 8 unités par semaine respectivement chez les hommes et chez les femmes. L’HTA résistante est dorénavant définie après échec de la Spironolactone en adjonction à une trithérapie associant bloqueur du SRAA, inhibiteur calcique et diurétique thiazidique.
Outre ses propositions faites par ces nouvelles recommandations, d’autres points restent à éclaircir : notamment le traitement de l’HTA du sujet âgé, voire très âgé, dont le nombre va aller croissant dans les années à venir...
Centre de Diagnostic et de Thérapeutique, Unité Fonctionnelle Hypertension Artérielle, Prévention et Thérapeutique Cardiovasculaires, Hôtel-Dieu, AP-HP (Paris) ; Université Paris-Descartes
(1) Williams B, Mancia G, Spiering W, et al. 2018 ESC/ESH Guidelines for the management of arterial hypertension. Eur Heart J. 2018;39:3021‑104.
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