L’histoire de la prise en charge des dyslipidémies dans le cadre des syndromes coronariens aigus (SCA) commence au début des années 2000. Alors que les cliniciens restent surtout préoccupés par la reperfusion coronaire, l’idée de proposer en parallèle un traitement précoce par statine émerge. L’essai Miracl (randomisé, contrôlé, contre placebo) évalue ainsi l’intérêt d’introduire rapidement après l’infarctus ou l’angor instable et l’angioplastie 80 mg quotidiens d’atorvastatine. Résultat : une réduction des évènements cliniques est observée dès la 16e semaine.
Intérêt des statines de haute intensité avant même l’angioplastie
Se pose alors la question du type de statine à utiliser : est-il bien nécessaire de recourir à une statine de forte intensité telle que l’atorvastatine 80 mg, ou une statine de moindre intensité comme la pravastatine 40 mg suffit-elle ? Un essai clinique comparant 80 mg d’atorvastatine et 40 mg de pravastatine à la phase précoce d’un SCA, l’essai Prove-IT, permet alors de trancher en faveur du premier traitement, le plus intense.
Face à ces résultats, les sociétés de cardiologie américaine et européenne émettent pour la première fois des recommandations de haut grade incitant à prescrire une statine de forte intensité à la phase aiguë d’un infarctus, quelle que soit la concentration de LDL-C basale. Cette préconisation, bien que simple et recommandée, restera incomplètement suivie en raison de la crainte d’une intolérance mais probablement aussi du manque de conviction du bien-fondé à atteindre un taux de LDL-C bas.
Quoi qu’il en soit, par la suite, le bénéfice du traitement précoce par statines – avant même l’angioplastie coronaire – est confirmé par plusieurs études et deux méta-analyses.
Des objectifs de LDL-C de plus en plus ambitieux
Parallèlement à la prescription systématique de statines de forte intensité, des objectifs de LDL-C sont proposés pour faciliter le travail du médecin et améliorer l’adhésion du patient. Des objectifs étayés par plusieurs études centrées sur les statines – seules mais aussi en association – à la phase précoce du SCA.
Tandis que l’objectif était initialement fixé à < 0,7 g/dL de LDL-C – valeur observée sous atorvastatine 80 mg dans Prove-IT – celui-ci est abaissé ainsi en 2019 à < 0,55 g/L – valeur observée avec l’association statines + ezétimibe dans un nouvel essai, baptisé Improve-IT. Une étude montre ainsi également le bénéfice clinique d’associer statines et ezétimibe lors d’un SCA.
Puis, des études conduites aussi avec des inhibiteurs de PCSK9 suggèrent que la prévention secondaire se révèle plus efficace avec des niveaux de LDL-C plus bas encore – de l’ordre de 0,35 g/dL. En particulier, l’étude Odyssey-Outcomes met en évidence chez des patients en post-SCA une réduction des évènements cliniques et une « baisse numérique » de la mortalité totale dans un groupe traité par statines de forte intensité et inhibiteur de PCSK9, et donc avec un LDL-C moyen de 0,35 g/dL – par rapport aux sujets sous statines seules et taux de LDL-C de 0,9 g/dL.
Et alors que, face à tous ces travaux, l’idée selon laquelle la prise en charge des dyslipidémies à la phase aiguë d’un infarctus doit être rapide et intense germe progressivement chez les cardiologues, une autre étude, observationnelle, suédoise, conduite auprès de près de 40 000 patients post-SCA, apporte des preuves supplémentaires de l’importance de la réduction du LDL-C à 8 semaines, qui s’avère prédictive de l’évolution à long terme : plus le LDL-C est abaissé durant la période post-SCA précoce, meilleur est le pronostic.
Un consensus trop peu appliqué
Au total, les patients admis pour un SCA doivent en pratique être traités dès l’admission, et avant même l’angioplastie, par une association de statines de haute intensité. L’addition d’ezétimibe est quasi indispensable sinon pour atteindre, au moins pour se rapprocher de l’objectif de < 0,55 g/dL de LDL-C. Les recommandations en vigueur prévoient une réévaluation à quatre semaines, qui vise à vérifier non seulement la tolérance mais aussi l’efficacité du traitement : si le LDL-C reste supérieur ou égal à 0,7 g/dL, l’ajout d’un inhibiteur de PCSK9 – désormais recommandé et possible en France – est envisageable lors de cette visite précoce.
Malgré ce consensus, cette conduite à tenir reste insuffisamment appliquée. En effet, la mise en place du traitement est trop souvent retardée, déléguée aux médecins généralistes, et compromise par de fausses croyances sur les effets indésirables des statines ou l’efficacité des mesures hygiénodiététiques – qui ne peuvent à elles seules permettre de réduire drastiquement le LDL-C.
D’après un entretien avec le Pr François Schiele, cardiologue au CHU de Besançon, Université de Franche-Comté
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