Comme ils l’ont fait pour les inhibiteurs SGLT2, les cardiologues doivent s’approprier une autre classe de médicaments initialement développés pour la prise en charge du diabète : les analogues du GLP-1. Et, plus précisément, ceux dérivés des glutides, dont les effets cardiovasculaires (CV) semblent de plus en plus avérés, dans deux grands groupes de patients.
À commencer par les personnes vivant avec un diabète de type 2, chez qui les études de non-infériorité comparant les médicaments de cette classe au placebo, ont révélé des effets CV positifs. Cinq études ont ainsi montré qu’en prévention primaire et secondaire chez des patients diabétiques, le liraglutide, le dulaglutide, l’albiglutide et le sémaglutide sont associés non seulement à une diminution du risque d’événements cardiovasculaires majeurs (Mace) non fatals, mais aussi à une réduction de la mortalité cardiovasculaire et de la mortalité toutes causes. Et ce, indépendamment du contrôle glycémique. Se dégage aussi un léger effet sur la réduction du risque d’insuffisance cardiaque et d’insuffisance rénale, mais qui demeure moins marqué qu’avec les inhibiteurs SGLT2.
Ainsi, les recommandations de 2023 de la Société européenne de cardiologie, consacrées à la prise en charge CV des sujets diabétiques, font la part belle aux analogues du GLP-1. Ces médicaments sont notamment indiqués chez les patients diabétiques présentant déjà une athérosclérose, en plus des traitements classiques (recommandation de rang 1A). Et en prévention primaire, les analogues du GLP1 sont recommandés en cas de très haut risque CV (risque supérieur à 20 % selon le Score 2-Diabetes, recommandation de grade 1), et en cas de risque intermédiaire ou élevé (risque entre 5 et 20 %, recommandation de grade 2a).
Particulièrement efficaces chez les personnes en surpoids ou obèses
Plus récemment, des effets CV d’un analogue du GLP-1, le sémaglutide, ont aussi été montrés au-delà de la population diabétique, chez les personnes non diabétiques vivant avec un surpoids ou une obésité.
Chez des sujets présentant un IMC supérieur à 27 atteints de maladie CV, l’essai Select, publié fin 2023, a montré un intérêt de la classe pharmaceutique en prévention secondaire. Dans cette étude, de fortes doses de sémaglutide (2,4 mg par semaine, contre 1 mg par semaine chez les patients diabétiques) ont conduit à une réduction d’environ 20 % d’un critère composite, intégrant les risques d’infarctus non fatals, d’AVC non fatals et de décès de cause CV. Une diminution de 18 % du risque d’insuffisance cardiaque a par ailleurs été retrouvée, de même qu’une réduction de la mortalité totale. Toutefois, si une diminution de la mortalité CV de 15 % semble se dessiner, ce chiffre est non significatif.
De plus, les analogues du GLP-1 semblent intéressants chez les personnes vivant avec une obésité et une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée. C’est ce que suggère l’étude Step-HFpEF, parue elle aussi en 2023, conduite chez des patients présentant un IMC supérieur à 30 et une insuffisance cardiaque avec fraction d’éjection ≥ 45 %. Dans cet essai, la même posologie hebdomadaire de 2,4 mg de sémaglutide a permis une amélioration significative, notamment des performances au test de marche de 6 minutes (TM6) et de la qualité de vie.
Ces effets, encore mal compris sur le plan mécanistique, pourraient s’expliquer par une perte pondérale majeure (perte de poids de près de 10 % dans Select), une diminution de la graisse viscérale, ou un effet anti-inflammatoire (CRP ultrasensible réduite de près de 40 % dans Select).
Précautions de prescription
Au total, les analogues du GLP-1 ont toute leur place, en prévention primaire et secondaire, du risque CV chez les patients diabétiques d’une part et d’autre part chez les sujets en surpoids ou obèses manifestant des antécédents d’évènements CV ou une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée.
En pratique, pour prescrire ces médicaments, il est recommandé de se rapprocher des diabétologues, plus habitués à les manier. En particulier pour l’utilisation chez les personnes présentant un surpoids ou une obésité, qui requiert une augmentation de doses progressive jusqu’à 2,4 mg par semaine – notamment du fait de fréquents effets indésirables digestifs.
La forme injectable de ces produits ne devrait pas poser de difficulté, particulière dans la mesure où ce type de galéniques n’est plus rare en cardiologie, depuis l’arrivée des anti-PCSK9. De plus, nombre de patients rapportent une préférence pour les médicaments injectables à longue durée d’action.
Finalement, le principal obstacle à l’adoption des analogues du GLP-1 en pratique courante pourrait concerner un traumatisme de la profession vis-à-vis des médicaments amaigrissants, à l’instar du benfluorex (Médiator) ou de l’isoméride. Toutefois, le profil de sécurité des analogues du GLP-1 apparaît favorable dans les essais cliniques et au regard d’un recul d’utilisation important – de 10 à 15 ans.
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